Chère sœur, cher frère policier,
Chère sœur, cher frère gendarme,
Nous sommes frères et sœurs car nous
sommes des êtres humains, et que la fraternité ne tient qu'à cela,
que l'on s'aime ou se haïsse.
Policier ou gendarme, vous l'êtes par
choix, et ce beau service que vous rendez à la France - à chacun
d'entre nous -vous rend d'autant plus chers à nos yeux. Nous en
savons l'importance, nous ne pouvons qu'en soupçonner l'exigence et
les sacrifices imposés.
Vous connaissez - soit pour avoir été
sur place, soit par les échanges avec des collègues, soit par ce
qu'en disent, plus ou moins honnêtement, les médias - l'ampleur et
la nature du mouvement populaire qui s'est levé contre le projet de
loi puis loi Taubira. L'attitude du gouvernement dans cette affaire,
la manière dont ont été conduits débats et votes au sénat comme
à l'assemblée nationale ne sont pas dignes d'un gouvernement
démocratique. Si certaines formes ont été préservées, le mépris
pour les manifestations successives et massives, la destruction des
700000 pétitions pour la saisie du CESE, l'interdiction de porter
certains t-shirts, le retranchement des membres du gouvernement
derrière votre protection, pour ne citer que quelques faits, sont
des signes évidents qu'un glissement s'est produit et que nos
gouvernants trahissent nos idéaux républicains et démocratiques.
Quel gouvernement légitime peut avoir peur de ses citoyens ?
Aux termes de la loi (article 122-4 du
code pénal), un fonctionnaire a le devoir de désobéir à un ordre
illégal ; aux yeux de l'histoire, ceux qui trahissent leur Nation
finissent bien souvent jugés, quand est rétabli un ordre
respectueux des valeurs humaines ; sous le regard de notre propre
conscience, nous savons bien lorsque nous nous comportons loyalement
ou bien lorsque nous contrevenons au vrai service que doit être
notre devoir d'état. Car en revêtant l'uniforme, vous ne vous êtes
pas séparés de l'humanité, vous vous êtes mis à son service, don
que j'admire, comme - je le sais - l'admire l'immense majorité des
"manifestants" (vous voyez desquels je parle). Vous êtes
toujours des êtres humains, libres, capables de réflexion et de
décision, pourvu que vous n'abdiquiez pas de vous-mêmes, de ce que
vous êtes, de qui - peut-être - vous voulez être. Vous êtes des
acteurs de l'Histoire, comme ceux qui décident, déclament, se
lèvent, s'assoient, manifestent, rapportent, déforment, informent,
méprisent, prennent parti, restent indifférents, s'énervent,
appellent au calme, démissionnent, trahissent, se sacrifient ou
sacrifient les autres, utilisent ou servent, dissimulent ou révèlent.
Et l'Histoire - des hommes et des Nations - n'est pas évidente, et
c'est pourquoi la liberté s'appelle aussi discernement.
Où se trouve la limite acceptable de
vos actes ? Je ne le sais pas. La frontière est parfois floue et
l'héroïsme ne se commande pas. Vous avez des familles, des
camarades, des opinions, des aveuglements, des connaissances... En
revanche, je sais - pour l'avoir vu et entendu - qu'il y a parmi vous
ceux qui s'efforcent d'être simplement humains ; ceux qui se gardent
de se joindre à nous car le devoir de réserve s'impose à eux, mais
cela seul les retient ; ceux qui considèrent que nous nous trompons
de combat ; ceux qui trahissent les valeurs humaines élémentaires
en essayant de provoquer la violence par leur propre violence - et
ceux-là se salissent encore plus qu'ils ne salissent la France, se
blessent encore plus qu'ils ne blessent leurs innocentes victimes,
indignes qu'ils sont de l'uniforme qu'ils portent et j'espère qu'ils
le deviendront un jour prochain -; ceux qui emprisonnent sans motif
des mères de famille, des mineurs, des passants - et ceux-là
amoindrissent bien plus leur liberté qu'ils ne réduisent celle de
leurs victimes car en réalité ils donnent à celles-ci une énergie
nouvelle, celle de la juste colère, car la première liberté n'est
pas "d'aller et de venir", mais de vouloir ce que l'on
fait, et ce vouloir est servi par notre énergie.
De quel camp êtes-vous ? En votre for
intérieur, d'abord, dans vos décisions, puis dans vos actes ?
Pour ma part, je suis un veilleur, un
veilleur que vous avez un jour relevé avec gentillesse, puisque je
ne résistais pas, quand d'autres durent être relevés fermement, et
c'est sans doute votre devoir, ou violemment, et ce sera la honte de
ceux qui s'en seront rendus coupables – et cette limite est floue,
sauf à votre cœur, pour qui tout est clair si vous savez l'écouter.
Comme veilleur, j'espère seulement vous amener à réfléchir, à
vous ré-veiller, peut-être ?
Ne doutez pas de mon amour pour chacun
d'entre vous, entraperçu, touché, avec qui j'ai pu discuter, même
ceux qui se dégradent eux-mêmes dans leur comportement inhumain,
car tous nous avons nos limites et je connais les miennes. Avec cet
amour, ne doutez pas de mon respect ni de l'espoir que je place en
vous, comme en toute personne, et plus particulièrement en ceux qui
veulent servir l'état de droit et nous protègent. Et je sais que
nous sommes nombreux à penser ainsi.
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