mercredi 3 août 2016

Apprendre à être

Apprendre que chaque homme est un mystère, un enfant de Dieu appelé à l'union d'amour dans l'éternité et que c'est là notre dignité.

Apprendre que nous sommes tous pécheurs et appelés à grandir dans la sainteté, que nous sommes sur Terre pour apprendre à aimer, que notre vie est éducation. Que Dieu pose sur nous le regard miséricordieux d'un père sur ses enfants, qu'il sait voir nos efforts et nous aime par-delà nos fautes, comme nos parents, mais infiniment plus et parfaitement. La joie, d'être pêcheur pardonné, rétabli dans la dignité d'enfant de Dieu.

Apprendre que nous sommes libres et que nous pouvons nous couper de l'amour de Dieu en le refusant. Que nous sommes responsables du mal que nous faisons et que notre vie peut être tragique, car tournée vers la mort au lieu de choisir la Vie.

Apprendre que nous sommes solidaires et que le mal que nous faisons abaisse le monde, que le bien que nous faisons l'élève, par la communion des saints, ce Mystère d'unité spirituelle dans l'amour de Dieu. Que tous nos actes nous engagent et engagent le monde, que chaque instant peut être croissance dans l'amour ou régression vers le néant. Que nos adversaires sont nos peurs et ce qui nous distrait de notre être profond, de notre vie réelle et présente, ce qui nous coupe de la relation au prochain - à savoir celui qui est ici, maintenant, que nous le connaissions ou non, que nos sentiments nous poussent vers lui ou nous en éloignent - car l'amour n'est qu'au présent.

Apprendre que tout se reçoit de Dieu: notre être, notre liberté, notre amour, notre pardon et découvrir - émerveillé - que nous en sommes augmentés et non pas diminués, que notre liberté reçue dépasse infiniment notre liberté saisie, que notre amour reçu transcende nos pauvres tentatives d'aimer, que notre pardon accueilli transfigure toute notre vie, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut de tous.

Apprendre que la souffrance consentie et offerte fait grandir en nous la vie de Dieu et l'amour des autres, que la souffrance refusée nous recroqueville et nous isole. Apprendre que seul le Christ peut nous donner de mourir et de ressusciter, de consentir et d'offrir. Apprendre que la honte et la peur ne sont rien, que l'amour, seul, importe.

Apprendre que Croix et amour sont liés, mystérieusement, dans une aveuglante évidence : il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l'on aime...


En guise de conclusion, il faut insister sur le fait que, ici, apprendre n'est pas à entendre en son sens le plus usuel. Ici, apprendre est acquérir une connaissance, mais pas purement intellectuelle, sinon "apprendre à vivre" serait un oxymore. Il est à lire dans un sens biblique, pour lequel la connaissance est liée à l'être : lorsqu'Adam "connut" Eve, il en résultat un enfant. Ainsi, l'apprentissage dont il est question ici est matriciel : il forme notre être, résulte de ce que nous vivons, nous recevons et de ce que nous faisons de tout cela. C'est un apprentissage qui passe par l'activité et la passivité. Apprendre et vivre, en dernière analyse, s'identifient, car tout est éducation, pour nous.