dimanche 12 novembre 2006

vivre d'amour, vivre en chrétien

Que signifie vivre en chrétien ? Cela signifie suivre la voie tracée par le Christ, accompagné par Lui. Lui qui est le « Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). La Vérité, c’est là un des grands mystères du christianisme, n’est pas avant tout un ensemble de raisonnements ou une construction intellectuelle plus ou moins adroite ; la Vérité est une Personne ! Révélation incompréhensible pour le monde, mystérieuse pour nous mais qui doit nous nourrir, comme tout Mystère. Ainsi, toute personne a accès à la Vérité, puisque la Vérité est quelqu’un à fréquenter. Le fond de notre foi est l’alliance que Dieu nous propose, alliance avec le Christ, Dieu fait homme.
Le Christ nous a laissé un commandement qui a pour cœur l’amour : « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres » Jn 15, 17. Le Christ se présente donc à nous comme la Vérité, et la Vérité – le Verbe – nous commande l’amour… Pas n’importe quel amour, mais l’amour de toute personne, jusqu’à nos « ennemis ». Comment est-il possible d’aimer ses ennemis ? Par définition… je ne les aime pas ! A moins que nous ne nous trompions sur ce que nous appelons amour ? Nous avons tendance dans nos relations de tous les jours, à dire « lui ou elle, je ne l’aime pas », à critiquer, etc. Ce que nous disons là, au fond, c’est que nous n’éprouvons pas pour eux de sentiment d’amitié ou au moins de camaraderie, mais bien plutôt une certaine répulsion, fondée sur une histoire douloureuse, ou plus simplement parce qu’on n’a pas « d’atomes crochus », la mystérieuse alchimie des relations humaines. Alors, le Christ nous commande-t-il quelque chose d’impossible ? Après tout, nous n’avons qu’un contrôle partiel de nos sentiments, or le Christ nous appelle à l’amour de toute personne, à commencer par notre prochain en allant jusqu’à nos ennemis… Mais cette contradiction apparente disparaît si nous révisons notre définition de l’amour. Aimer n’est pas avant tout affaire de sentiments. Il est bien évident qu’il est impossible de « ressentir » une même amitié pour tout un chacun, c’est la réalité des relations humaines « normales ». Mais le Christ nous dit qu’il « n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie »… c’est une évidence, finalement : que peut-on donner de plus ? Comment pourrait-on montrer plus d’amour ? Le Christ en témoigne par sa mort même, qui est un don de sa vie, et qui ne se réalise pas sans combat « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe… cependant pas ma volonté, mais ta volonté ». Les « sentiments » du Christ ne le poussaient certainement pas à ce sacrifice et son instinct de conservation ne pouvait que se révolter face à la mort... toutefois, il s’en remet à son Père : il dépose devant lui son fardeau, et il doit en être de même pour nous : toujours l’alliance, même au plus profond de ce qui semble être un combat où nous nous trouvons seuls. Et ce combat, c’est d’aimer. « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime » Jn 14, 21 : avoir les commandements et les garder n’apparaît pas de prime abord comme un travail des sentiments, mais bien de volonté, d’intelligence et du cœur… Non pas qu’il y ait opposition, au contraire : il s’agit de construire l’unité de la personne. Mais pour que lentement nos sentiments deviennent ceux du Christ envers tout homme, il faut s’efforcer de vivre le commandement de l’amour, portés par le Seigneur.
Ainsi, l’amour dans sa dimension la plus profonde apparaît comme une victoire sur nos instincts, sur nos sentiments : non pas qu’ils soient mauvais – bien au contraire – mais il s’agit de déplacer de façon radical le centre de nos « intérêts ». Précisément, le P. Varillon disait en substance qu’aimer quelqu’un c’est faire de lui notre centre, c’est cesser d’être le centre de nos préoccupations et que lui le devienne. C’est ni plus ni moins qu’une conversion à l’autre, une conversion à Dieu et à tout homme, dont il s’agit : je ne mets plus en tête de mes préoccupations mes caprices quotidiens, mais l’autre… tout autre. L’amour apparaît alors au premier chef comme un travail de volonté, non pas aveugle, bien sûr, mais nourrit par notre intelligence : l’amour idiot n’est pas de l’amour… c’est de l’idiotie. L’amour apparaît comme une victoire sur nos égoïsmes, nos mesquineries – nous en avons tous et nous en aurons toujours : là n’est pas la question. Et il ne s’agit pas d’un travail qui nous rendrait tendus et finalement en inconfort avec nous-mêmes : ce ne serait alors certainement pas la vérité sur nous ! Cette démarche d’amour de tout autre rejoint au contraire le plus profond désir de l’homme, enfoui sous son égoïsme, qui est de vivre de la vie même de Dieu, c’est à dire de vivre d’amour. Il s’agit d’atteindre notre désir profond, qui n’est pas fondé sur nos pulsions premières et superficielles, mais sur le mouvement qui résulte de l’unité de notre personne. Il y a un arrachement à nous-même qui nous permet de nous trouver : aimer de l’amour de Dieu nous permet de nous trouver nous-mêmes. Vouloir faire la volonté de Dieu, comme un amoureux veut faire la volonté de celle qu’il aime, pour lui « faire plaisir » : voilà ce vers quoi nous tendons dans la vie chrétienne. Qu’est-ce qui rend plus heureux un amoureux que le bonheur de celle qu’il aime ? Ainsi en est-il de notre relation à Dieu : lorsque nous l’aimons vraiment, il se peut que nous ayons à nous arracher à nos désirs « pour lui faire plaisir »… sachant que Dieu ne trouve en nous sa joie que lorsque nous grandissons dans la vie, dans la joie et dans l’amour… Connaissons-nous de joie plus profonde que celle que procure l’amour ? La loi d’amour est gravée au plus profond de nous-même : ce chemin que nous propose le Christ est bel et bien un retour à ce qui fait exulter l’homme du plus profond de son être, mais qui n’est pas forcément ce qui apparaît au premier examen de nos sentiments, de nos inclinations, de notre « moi biologique », comme disait Zundel.
L’amour est une ouverture à l’autre. Ce mouvement d’ouverture est pour nous douloureux, puisqu’il va à l’encontre de nos égoïsmes, au plus quotidien : faire passer l’autre avant nous dans les petits détails de la vie est d’une difficulté insurmontable… sans la grâce de Dieu. Nous ne sommes pas seuls sur cette route : le Christ nous a envoyé l’Esprit qui nous nourrit, nous donne sa force. Cela ne signifie pas que la tâche en devient « apparemment » facilitée : elle devient simplement possible, si nous le voulons. Aimer, c’est être disponible à chacun, ouvert à l’autre. Aimer vraiment, c’est mourir à soi en ce sens que nous sommes ouverts à ce qui nous est autre, ce qui ne fait pas notre « petite vie ». Dieu est parfois appelé le « Tout Autre ». On peut y lire que par son être même, Dieu nous appelle au « Tout Amour ». Aimer le gêneur, c’est aimer l’autre... Je suis bien au calme chez moi et le voilà qui vient me déranger… en ce sens là, il est autre : il m’est étranger, extérieur, puisqu’il ne connaît pas mes sentiments, ni notamment que j’ai envie de me reposer… mais c’est là alors que se trouve l’héroïsme de l’accueil souriant et affectueux. Dans ce petit rien… Une sœur témoignait que Sainte Thérèse manifestait envers elle un empressement et une joie peu commune et qu’elle s’en était toujours sentie très aimée… le fin mot de l’histoire, c’est que Sainte Thérèse elle-même avait beaucoup de mal à l’aimer : elle était sa « gêneuse », et s’est alors efforcée à n’être pour elle que sourire et service… Eh oui, le service nous rejoint toujours, puisqu’il est l’amour en acte… Le Christ s’est fait serviteur, et c’est la réalité de son amour, de tout amour.
Au fond… le voulons-nous vraiment ? Voulons-nous voir en toute personne un ami ? C’est cela, aimer tout le monde : que tout homme soit pour nous un ami. Aimer toute personne nécessite de croire en l’homme, d’espérer en lui inconditionnellement : c’est forcément un acte de foi. Les racines de l’amour sont l’espérance que l’autre pourra toujours aimer plus et mieux, même par-delà ses éventuels reculs. Un acte de foi, parce que nous croyons que tout homme est capable d’être un espace de lumière pour tous les autres. Même ceux qui apparaissent à nos yeux comme « les pires » sont capables d’aimer… Il y a un regard sans jugement que nous devons apprendre à faire grandir, à avoir envers tout le monde, car nos jugements sont des condamnations qui nous immunisent à l’amour. Savons ne serait-ce que trouver des excuses aux gens, lorsqu’ils nous blessent, ou bien faisons-nous retomber toute la responsabilité sur eux, sinon dans nos paroles, du moins intérieurement, ce qui ne vaut pas mieux ? Parce que quant à savoir s’ils sont les seuls en cause… Sommes-nous ouverts à la merveille qui est en chaque homme ? Cherchons-nous le Christ en chaque homme ? Cherchons-nous à connaître chacun en vérité, non pas de ce que nous imaginons de lui, mais bien de ce qu’il nous révèle ? Considérons-nous toute personne comme un Mystère ? Il est tout simplement impossible d’avoir « fait le tour de la question », avec quelqu’un : toute personne est un Mystère suscité par Dieu, Mystère qui appelle l’amour, même lorsqu’il est blessé, défiguré à en être méconnaissable par sa propre haine. Ne pas juger, jamais, ne pas condamner, jamais, mais aimer, inconditionnellement et sans retour, de toutes nos forces, jusqu’à la passion, et parfois dans la sécheresse.
Trop souvent, nous n’aimons l’autre que pour ce qu’il nous apporte… En ce sens, paradoxalement, on ne peut manifester de plus grand amour que d’aimer ses ennemis… On ne peut manifester notre plus grand amour qu’à nos ennemis… en un certain sens... Mais le Christ nous dit que si nous n’aimons que ceux qui nous veulent du bien, notre jugement ne vaut pas mieux que celui de ce monde. C’est dans l’amour des ennemis que commence le christianisme… pas avant. L’amour de l’empêcheur de tourner en rond, de celui qui nous fait perdre du temps, de celui qui vient de nous prendre une place de parking, qui nous a volé, menti, trompé… Pas à moins.
Suivre le Christ signifie aimer l’autre, tel qu’il est. Connaître quelqu’un tel qu’il est est un travail de recherche de la vérité d’une personne. On n’aime qu’en vérité, sinon, on aime ses fantasmes et cette déconnexion du réel ne mérite alors certainement pas le nom « d’amour ». Vérité et Amour sont ainsi profondément liées : on ne peut aimer qu’en vérité, c’est à dire connaissant l’autre dans ce qu’il est, de différent ou de semblable à nous, et l’on ne peut entrer dans cette recherche de la vérité que par amour : si nous n’aimons pas d’abord, inconditionnellement, le plus probable est que nous passerons à côté de l’autre, l’ayant enfermé dans nos catégories toutes prêtes. Il en est de même de l’amour de Dieu : « les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité » Jn 4, 23 : elle aussi est fondée sur la vérité. Cette vérité sur l’autre, nous ne pouvons y accéder sans une certaine attitude contemplative. Savons-nous contempler l’autre ? Chercher le bon en lui, prendre le temps de l’écoute, avant d’essayer de parler ? De même que nous sommes invités à rencontrer Dieu dans la contemplation, de la même façon, il y a une contemplation de tout homme à faire naître en nous, un silence intérieur qui permet à l’autre d’exister en nous.
Une vertu essentielle à l’amour est l’humilité. Elle en est la racine même : l’orgueil rend imperméable à l’autre, de même que l’égoïsme, mais pour d’autres raisons, plus inconscientes peut-être. L’humilité seule permet de se remettre en cause, d’accepter de n’être pas tout, de se considérer pour rien devant celui que l’on aime, d’être tout à lui, dans toutes ses puissances. L’humilité seule permet de se remettre en cause pour aller vers l’autre, or il n’y a pas d’amour sans un mouvement vers l’autre, puisque précisément l’amour est ce mouvement vers l’autre. L’humilité est, elle aussi, avant tout une affaire de vérité. Il ne s’agit pas de se considérer comme un raté ou un nul… il s’agit de se connaître en vérité, avec ses limites et ses qualités. L’humilité est une vertu qui témoigne par excellence de la maturité de quelqu’un et de son aptitude à aimer l’autre en vérité. Est humble celui qui sait s’aimer avec ses qualités et ses défauts, en toute simplicité et sans aveuglement ni dans un sens ni dans l’autre. Sur cette base, il devient alors possible d’aimer l’autre pour lui-même, pour ce qu’il est, et non pas pour ce qu’il nous apporte… forcément : si je sais « m’apprécier » moi-même tel que je suis, alors je n’aurais plus envers l’autre de sentiment de jalousie, d’envie, d’intérêt, de fascination malsaine, etc. mais au contraire je saurai l’apprécier tel qu’il est. On peut aussi dire que l’humilité est une pacification à établir en nous-même. Le Christ, quand il s’en va rejoindre son Père après la Résurrection, nous dit « je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ». Cette paix, nécessaire à l’intérieure de nous-même pour pouvoir accueillir l’autre. Paix aussi entre les hommes, sans laquelle il n’est pas d’amour : intérieurement, elle est une condition de l’amour, extérieurement, elle en est la manifestation.
Le Mystère trinitaire témoigne du mouvement qu’est l’amour : en Dieu même, un et trine, la vie est une vie d’amour, dans laquelle le Père est totalement tourné vers le Fils, le Fils vers le Père et leur amour est le Saint Esprit. Le plus grand mystère chrétien témoigne que l’amour est le cœur même de la vie de Dieu, au point que le P. Varillon disait non pas que Dieu est amour, mais que « Dieu n’est qu’amour ».
Tel est la bonne nouvelle du Christ : nous sommes aimés de Dieu et nous sommes appelés à vivre de sa vie, à aimer comme il nous aime. Le Christ témoigne par le don de sa vie sur la croix et dans le quotidien de nos vies, à travers l’eucharistie, et nous appelle à en vivre et à en vivre éternellement car « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu » Jn 17, 3. Mais que signifie connaître, dans le langage de la bible ? Nos en avons une illustration entre Adam et Ève, lorsque l’auteur de la genèse (Gn 4, 1) nous dit que « l’homme connut Ève, sa femme ; elle conçut et enfanta » : connaître au sens biblique n’est pas simplement de l’ordre de l’intellect, mais bien mieux illustré par la « connaissance » qu’ont les époux l’un de l’autre. Ce qui préfigure, alors, la vie éternelle, c’est l’union du mariage. Le Christ, alors, nous affirme que la vie éternelle, c’est connaître, c’est à dire quelque chose qui est de l’ordre de l’union des époux, une union mystique d’amour avec notre Seigneur. « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » : tel est la proposition que le Christ nous fait, tel est son amour.

Routiers et unité de vie

Pour que Dieu ait sa place dans mes activités, il faut d’abord que mes activités ne prennent pas la place de Dieu. Par exemple, si je fais la fête tard le samedi jusqu’au dimanche matin et que de ce fait je rate la messe… le Christ ne pouvait pas être pleinement présent avec moi cette nuit là : je ne lui ai pas laissé de place dans mes projets.
C’est l’idée d’unité de vie. Il en existe une formulation un peu ironique qu’il faut savoir entendre : « Dieu se rit des hommes qui craignent les conséquences dont ils continuent à chérir les causes » (Fénelon). Ce n’est qu’une manière de parler, bien sûr : Dieu ne se rit pas de nous. Mais ce que Fénelon nous dit là c’est que si nous avons le désir de vivre en chrétien, c’est à dire dans l’amour de Dieu et de nos frères et sœurs, notre vie doit être cohérente.
Il s’agit de mettre en cohérence nos désirs profonds et nos actions. Il ne faut pas tomber dans un volontarisme ou un activisme absurdes, orgueilleux. Il s’agit de la simple recherche, sage et lente, de l’unité de notre vie.
Prendre les moyens humains d’avoir une vie cohérente et unifiée par le Christ. C’est le cri de cet homme de l’évangile : « je crois, Seigneur, viens en aide à mon incroyance » : le Christ est celui en qui nous croyons, en qui nous avons confiance, et en même temps celui qui nous donne la foi et la force de vivre la foi, d’en vivre. Sans cette attitude, cette recherche, il perdurera toujours une division entre notre être profond, fait pour Dieu, pour l’amour, et nos envies immédiates, qui tairont l’amour pour y mettre de l’égoïsme ou de l’orgueil, de façon parfois très subtile. Sur la route de l’unité, Dieu nous précède, nous guide et vient à notre rencontre tout à la fois – Père, Fils et Saint-Esprit.
Cette unité de vie n’est pas un but en soi, mais la conséquence naturelle de la vie d’amour. Voulue pour elle-même, elle ne serait qu’un moralisme raffiné, mais vécue comme conséquence de notre amour, elle est un lieu éminent de maturation humaine et spirituelle (si tant est qu’on puisse séparer les deux !) puisqu’il s’agit de vivre toujours plus d’amour, c’est à dire de Dieu : de le laisser prendre la place qui lui revient, toute la place. Cela peut faire peur, ce qui est naturel : on ne sait pas vers quoi l’on va et c’est là que la confiance en Dieu, la foi, intervient ; c’est un lieu de croissance de notre foi. On peut ne pas le vouloir, se pose alors la question du Christ à Pierre : « m’aimes-tu ? ». Vouloir ou ne pas vouloir, c’est l’exercice même de notre liberté : je peux accepter ou refuser. C’est l’amour. L’amour est affaire de volonté. L’amour est l’expression de nos sentiments profonds, portés, soutenus et approfondis par notre volonté. L’essence de l’amour, c’est d’être libre et une décision libre repose sur cette simple alternative : je veux, je ne veux pas. Bien sûr, notre volonté n’est pas toute puissante et nos décisions, nous ne pouvons les tenir qu’avec la grâce de Dieu. Nous nous heurtons à nos limites, nos imperfections et notre péché… et la réponse du Seigneur, c’est de courir vers nous, de nous embrasser ; de pardonner et d’oublier : seule, compte l’amour.
Bâtir notre vie dans l’amour, dans l’unité, cela suppose d’en prendre les moyens. La Route nous en propose plusieurs. D’abord : le parrain. Le parrain, par son expérience, ses questions, ce qu’il souligne dans notre vie et notre façon de cheminer vers le départ, nous aide à objectiver notre expérience, nos sentiments. Il apporte l’expérience de celui qui a déjà cheminé, non pas tout à fait sur la même route que nous, mais sur une route d’homme en recherche de l’amour de Dieu et de ses frères. Ensuite, le texte du départ routier, lui-même, transpire l’unité de vie : « conformer ses pensées aux exigences du réel », « tout acte d’un routier compte et engage », « ne mépriser personne » (vivre toutes ses relations dans l’amour), « s’engager dans une vocation » (vivre toute notre vie dans un mouvement d’unité qui trouve sa source dans l’amour de Dieu). On pourrait relire tout le départ à cette lumière. Autre moyen, fondamental, c’est la relecture de notre vie : mes actes, mes décisions, sont-ils en cohérence avec l’amour ? Cette relecture, nous pouvons la faire avec notre parrain, notre « Père spi » : celui qui par son expérience, son écoute, nous aide à avancer et à discerner dans notre vie ; en quelque sorte, la caisse de résonance spirituelle. Cette relecture, c’est l’unité de vie vécue au quotidien.
Vivre d’amour, c’est à dire du don de soi, ne peut que détruire nos replis sur nous-même et nous rendre toujours plus disponible aux autres et au Tout-Autre. À commencer par les plus petits détails de notre vie, pour finalement atteindre le plan même de toute notre existence, ce que l’on appelle la vocation. Comment entendre l’appel de Dieu, si l’on est sourd à l’amour au quotidien, au service de nos frères ? L’unité de vie est ainsi un lieu de discernement, de préparation et de réponse à notre vocation, quelle qu’elle soit.
Et cette unité de vie, nous ne la gardons pas pour nous-même. Étant l’amour en acte au plus profond de notre vie et de nos activités, elle rejaillit au dehors, source d’unité entre les hommes, participant ainsi à la réalisation de la prière du Christ « que tous soient un, Père, comme Toi et moi nous sommes un ».