mardi 23 juillet 2013

Pauvreté, Chasteté, Obéissance

Les religieux prononcent trois vœux : pauvreté, chasteté, obéissance. Souvent on se demande comment il est possible de les vivre... mais au fond, on devrait se demander comment il est possible de vivre sans eux ?

Comme chrétien, nous croyons - c'est-à-dire que nous savons - que la vie est amour, que l'amour est à l'origine de tout, car Dieu est amour. Et en quoi ces trois vœux sont-ils reliés à l'amour ?

Le vœu de pauvreté signifie un dépouillement vis-à-vis des biens, des "choses". Ainsi, ne viendra jamais se mettre entre moi et l'autre un amour désordonné des biens, mais au contraire la pauvreté sera mon protecteur pour ne pas ressentir jalousie envers l'autre dans ce qu'il possède, dureté pour parvenir à tout prix à posséder quelque objet de convoitise que ce soit. Pauvre, j'interdis aux choses d'amoindrir mon amour, d'être un obstacle entre moi et l'autre.

Le vœu de chasteté signifie un dépouillement vis-à-vis des êtres, c'est-à-dire de ne pas être pris par le désir de les posséder, d'aucune manière, ne pas en faire des outils de satisfaction personnelle. Ce vœu est bien trop souvent réduit à sa part sexuelle, alors que bien au-delà de ce périmètre restreint, il s'étend aux moindres rapports avec les autres. Ne jamais utiliser quelqu'un, ne jamais en faire un moyen en vu de satisfaire l'un ou l'autre de mes manques ou de mes pulsions. Il y a une chasteté du couple, pour ne pas réduire l'autre à mes appétits mais bien au contraire construire une relation harmonieuse, à l'écoute du présent. Il y a une chasteté de l'éducateur, et donc des parents, pour ne pas façonner le jeune qui nous est confié suivant nos propres désirs, mais bien se mettre à l'écoute de ce qu'il porte de nouveau, d'original, de mystérieux, qui nous dépasse et nous bouscule, qui prend à contre-pied nos tendances personnelles. Tout ce qui n'est pas source de mort est source de vie. Tout ce qui nous pousse à nous questionner nous permet de nous ouvrir à l'autre. Il y a une chasteté de l'amitié, qui est de ne pas utiliser ses amis, de ne pas avoir des amis sur la seule base d'une utilité, de ne pas s'en considérer propriétaire ni de leur être soumis. Il y a une chasteté du patron, qui est de ne pas considérer ses employés comme des "ressources humaines" - monstrueuse expression de notre civilisation en perte des repères les plus élémentaires -, mais comme des personnes à servir. Il y a une chasteté vis-à-vis de l'étranger, etc. Chaste, je m'interdis de faire des autres des objets, et ainsi je peux les aimer.

Le vœu d'obéissance signifie dépouillement vis-à-vis de sa propre volonté. La première obéissance est l'obéissance au réel, qui signifie accepter ses limites, ne pas se considérer, s'imaginer, se rêver tout puissant et ainsi laisser à l'autre la possibilité d'être, d'exister dans notre monde intérieur. Mais l'obéissance dont il est question pour les religieux est bien celle d'une obéissance formelle au supérieur, d'apprendre à se déposséder face à l'autre de sa propre volonté, pour se libérer même de ce qui nous paraît si essentiel dans notre époque individualiste, afin que notre volonté elle-même soit ouverte à l'autre, et donc à l'amour. Que notre volonté elle-même puisse s'unir à celle de Dieu, car tel est l'amour : l'unification des volontés. Si je considère ma volonté plus importante que celle de l'autre, dans le quotidien le plus immédiat, je pourrai refuser que certains choix se fassent à l'encontre de mes propres décisions, alors que vivre dans l'obéissance à l'autre signifie accepter sa volonté, ne pas être égocentré, attitude difficilement compatible avec l'amour... S'il n'en allait pas d'une conséquence grave, nous devrions obéir en tout temps.

Ces trois vœux participent donc d'un même mouvement de dépouillement pour devenir vraiment libre, retenu par aucune possessivité et ainsi vraiment capable d'amour, de don de soi. Car qui peut se donner s'il est possédé par une convoitise - matérielle, relationnelle ou intérieure ? Tout chrétien est appelé à la chasteté, la pauvreté et l'obéissance, suivant les formes propres à son état et à son rôle. Ces vœux signent la profonde sagesse du christianisme, car seul un homme mûr et achevé les vivra parfaitement. Seul, le Christ les a vécu et les vit. Et lui seul peut nous donner de les vivre. Car même du projet de les vivre par nos forces nous devons être libres, pour n'être pas possédés par les vœux-mêmes qui doivent nous libérer.

Ces vœux ne s'incarneront pas de la même façon pour un religieux, un étudiant, un prêtre, un père ou une mère, un patron, un employé, un passant, un familier... Ces vœux, nous avons tous à les laisser nous former, nous ouvrir les yeux sur les conditions de l'amour, qui sont déjà son accomplissement, car l'amour est unification et les moyens qui font grandir dans l'amour sont déjà l'amour.

vendredi 19 juillet 2013

Réflexion sur le service

Aimer les autres par-dessus tout, par-delà soi-même, être « serviteur » par toute sa vie, ne peut reposer que sur deux choses. Tout d'abord, ce peut être une prédisposition naturelle, inconsciente en quelque sorte. Cette prédisposition peut être le fruit d'une expérience, d'une éducation, d'un manque ou quelque chose d'obscurément profond en soi qui pousse vers l'autre jusqu'à l'oubli de soi-même. Plusieurs questions émergent face à cette dynamique de vie : quel en est la sincérité ? Si elle est recherche de soi-même, compensation d'un manque, tentative sans cesse renouvelée de séduction, peut-on réellement parler d'amour ? Quelle en sera la longévité ? Reposant sur l'obscur et l'insaisissable, l'inconscient et l'au-delà de la volonté et de l'intelligence, tout peut basculer d'un instant à l'autre sous l'effet d'une lassitude ignorée, d'un égoïsme qui, se déplaçant, ne se satisferait plus d'une attitude altruiste, d'abord valorisante puis qui s'avérerait finalement oppressante. On peut être « serviteur » avec la même légèreté, la même inconscience que ce que trop souvent on entend par « amour », c'est-à-dire de manière infra humaine à force d'être purement sentimentale, motivée par le manque ou la séduction, l'effet produit en soi ou pour soi… J'aime l'autre pour ce qu'il produit en moi d'agréable… est-ce aimer vraiment ? De toute évidence, non. Je sers l'autre pour ce que cela m'apporte… est-ce servir vraiment ? Partiellement, sans doute, mais pas à la racine de l'acte, pas d'une manière qui garantisse la longévité de la logique du service, en fait pas d'une manière consciente, volontaire et libre.

Alors, quelle peut être une deuxième voie qui entraîne au service, et ce de manière vraiment humaine, c'est-à-dire reposant sur une décision ferme, volontaire, réfléchit, engagement de soi mûr et créateur ?Si ce doit être un engagement réfléchi, il faudra bien qu'il soit fondé sur des arguments qui conviennent à l'intelligence, à la raison. Ce seront alors des motifs de sens, métaphysiques ou religieux.

L'illustration la plus immédiate est la logique chrétienne du service. La foi chrétienne repose sur l'amour de l'autre en considérant que le sens de la vie humaine est l'union amoureuse, à Dieu et aux hommes. La foi chrétienne révèle que la nature profonde de l'être humain s'accomplit, se réalise, dans le don de soi, sous toutes ses formes. Dans la foi, nous découvrons que servir et aimer sont en fait une seule et même réalité, que le « […] Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10, 45). Par le don de la Foi, nous sommes entraîné vers une vie de Charité, vivant ainsi de la vie même de Dieu, et cet engagement se prend dans la perspective de l'Espérance, également reçue. « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est Moi qui vous ai choisis et établis comme mes amis afin que vous alliez et que vous donniez du fruit » (Jn 15, 16). Le serviteur selon l'évangile le devient dans le cadre d'une alliance, c'est-à-dire d'un appel de Dieu auquel son consentement est nécessaire. Dieu nous précède, pour nous appeler et diviniser en nous ce qui est vraiment humain – pour paraphraser Zundel – et fait ainsi du chrétien un serviteur plein, c'est-à-dire engagé librement, consciemment, et pour autant ne reposant pas sur ses seules forces, mais dans l'Action divine, son action prenant sens comme accomplissement de la vie même de Dieu en soi. Sur cette base, reçue de Dieu, le serviteur l'est pleinement, dans les petites comme dans les grandes choses, dans un engagement volontaire, libre et ainsi vraiment humain.

Le serviteur chrétien (pléonasme) réalise ainsi pleinement l'homme libre et croyant, intelligent et engagé, mû tant par sa vie intérieure que par la réalité du monde extérieur. Le service est réponse à un appel, alliance qui démarre, n'en doutons pas, dans les plus petites choses de la vie quotidienne, dans le service apparemment le plus anodin, dans l'écoute la plus plate de notre prochain, dans l'attention aux petites choses, germes et accomplissement de l'action de Dieu en nous, nous ouvrant aux autres afin de réalisez le seul commandement qui compte : « Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres. »

Il est bien évident qu'en tout chrétien, ces deux attitudes se rencontrent. Telle est la complexité – la misère ? – humaine. Le serviteur chrétien n'existe pas parfaitement dans notre monde. Il est à bâtir en nous sans cesse, dans une démarche de conversion, d'ouverture à l'autre. Dans une inquiétude spirituelle, peut-être, en entendant le Seigneur dire (Mt 25, 34-45) :

« Alors le Roi dira à ceux de droite : Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde. Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez accueilli, nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir. Alors les justes lui répondront : Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te désaltérer, étranger et de t'accueillir, nu et de te vêtir, malade ou prisonnier et de venir te voir ? Et le Roi leur fera cette réponse : En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. Alors il dira encore à ceux de gauche : Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges. Car j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, j'ai eu soif et vous ne m'avez pas donné à boire, j'étais un étranger et vous ne m'avez pas accueilli, nu et vous ne m'avez pas vêtu, malade et prisonnier et vous ne m'avez pas visité. Alors ceux-ci lui demanderont à leur tour : Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé ou assoiffé, étranger ou nu, malade ou prisonnier, et de ne te point secourir ? Alors il leur répondra : En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous ne l'avez pas fait à l'un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l'avez pas fait. »

Puisse le Seigneur nous ouvrir les yeux et le cœur pour Le voir en tous nos frères et sœurs, et Le servir, pour vivre de sa vie même, pour dire avec Paul : « Pour moi, vivre, c'est le Christ ! Ce n'est plus moi qui vis mais c'est le Christ qui vit en moi ! » (Gal 2, 20).

Lettre au président

 Ma lettre au Président, évidemment restée sans réponse. Probablement trop longue ?

lundi 8 juillet 2013

Les veilleurs et les forces de l'ordre


Des veilleurs ont été victimes d'actes violents ou illégaux de la part de représentants des forces de l'ordre. Comme veilleurs, nous devons essayer de comprendre ces événements pour résoudre le problème par le seul biais qui ait une quelconque chance d'aboutir : toucher les cœurs, les nôtres d'abord, ceux de nos auditeurs ensuite.
Nous revendiquons de vivre dans le réel et pas dans des chimères. Eh bien, le réel, pour nous, ce sont ces hommes et ces femmes, en uniforme, qui nous entourent et qui ont choisi de rendre à la France le service que nous connaissons. Il est douloureux que quelques uns le salissent. Nous, nous ne pouvons pas être de ceux qui voient l'arbre plus que la forêt, dans la même logique que les médias.

Si nous estimons que « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » (Nietzsche), ces violences vont-elles amenuiser ou accroître notre force de paix et d'accueil ? Dans l'action, face à l'injustice et à la brutalité, nous pouvons céder à la violence, et alors il faut, passer l'impulsion du moment, nous reprendre. Nous sommes tous faillibles et prendre conscience de nos limites est un chemin de progrès essentiel. Mais combien plus forts sommes-nous quand nous parvenons à opposer la douceur à la brutalité. Car pour nous, devenir « plus fort », c'est devenir plus doux. « Mourir », c'est devenir violent.
Et cette logique peut s'étendre à toute notre vie, car des violences, des injustices de tous ordres nous en subissons et nous en infligeons chez nous à la maison, au travail, avec nos amis et ceux que nous trouvons plus difficiles à aimer. La jalousie ou l'hostilité ne nous sont pas étrangères, pas plus qu'à aucun autre Homme.

La douceur et l'appel à la prise de conscience, seuls, peuvent toucher le cœur de celui qui est coupable de brutalité ou d'injustice. Si, comme veilleurs, nous voulons être des germes de paix, il n'y a pas d'autre moyen. Et les situations révoltantes, indignes de représentants des forces de l'ordre, que les veilleurs ont affrontées peuvent devenir l'occasion d'un retour sur nous-mêmes, sur le désir de revanche qui peut naitre en nous, et qui n'est que la logique des violents. "Un homme ça s'empêche" (Camus) et non pas "ça se lâche". Que ces occasions difficiles soient ainsi pour nous un lieu de croissance dans notre force de paix, notre douceur, notre détermination.

A présent, si nous cherchons à comprendre l'origine des violences dont se sont rendu coupables certains policiers envers des citoyens pacifistes, peut-être pouvons-nous prendre quelques instants pour considérer la réalité de leur vie, qui est pleine de violence au point parfois d'user les cœurs.
Car, par-delà le bel idéal que la majorité d'entre eux veulent ou voulaient suivre, ils peuvent atteindre des points de rupture, des limites comme tous nous en avons et dont ils s'approchent, par le service souvent ingrat qu'ils rendent à la Nation, beaucoup plus souvent que la majorité d'entre nous. Il ne s'agit pas ici d'excuser l'inexcusable. Ce qui est indigne, déshonorant doit être dénoncé. Mais si nous voulons vraiment sortir de cette spirale, il faut comprendre l'origine de cette violence pour être - à notre modeste mesure - des semeurs de paix, en usant des moyens qui ont une chance d'aboutir et qui ne sont certainement pas de réduire les forces de l'ordre aux quelques uns qui ont pu "craquer", voire à ceux qui se sont corrompus au fil de leur vie.
Réalisons que ceux-là se font plus de mal à eux-mêmes qu'à leurs victimes. Il n'y a pas de bonheur pour l'homme dans la volonté de nuire, dans la vengeance, le ressentiment ou la haine. Ceux qui ont été violents sont - spirituellement - les plus à plaindre. Et je crois que se trouve là une clef face à cette violence : voir qu'elle est le signe et la cause d'une souffrance et que c'est la pitié qui devrait emplir notre cœur et nos regards face "à eux", qui sont nos frères, qui cheminent tout comme nous, et ne sont peut-être pas si mauvais par rapport à ce qu'a pu être leur vie – et de cela, nous ne pouvons pas juger, n'ayant pas le secret des cœurs.
Quant à nous, il nous faut dénoncer l'injustice commise, et appeler le coupable à sortir de cette logique. Refusons que l'homme puisse accepter de tomber plus bas que la bête et témoignons de ce que chacun d'entre nous est capable du meilleur. Mais il faut du temps pour qu'un cœur change, et tant que ce changement n'aura pas eu lieu nous serons confrontés à la violence, violence qu'il nous faudra combattre et dénoncer fermement, par la douceur et la parole. Car dénoncer le dérapage sert la justice et peut aider celui qui dérape, si c'est fait de manière audible pour lui. Nous ne devons pas transformer notre dénonciation en vengeance subtile, mais bien en faire un appel au meilleur, adressé à ceux qui ont été brutaux, ce qui influencera notre manière de dénoncer l'inacceptable

Ce disant, je mesure la distance qui me sépare de ces quelques idées. Quand quelqu'un m'agresse, ce n'est pas d'abord la compassion qui monte en moi, bien au contraire. La paix que je prétends servir reste largement à conquérir en moi ! Comment en serait-il différemment en eux, bien plus exposés ? Mais un regard de paix et d'amour atteint toujours le cœur, et c'est le seul « Opinel » dont nous puissions nous munir, et qu'aucune loi ne peut utiliser contre nous.
Comme Philippe nous y invitait la semaine dernière, nous pouvons entrer dans une démarche de liberté en osant pardonner à ceux qui nous ont fait du mal. Leur pardonner parce qu'ils valent mieux que ça. Leur pardonner pour les appeler à se dépasser, là où ils en sont. Leur pardonner parce que nous vivons d'espérance, et qu'aucun homme n'est jamais perdu, ne doit jamais être enfermé dans ses actes. Leur pardonner parce que nous ne savons pas ce que nous ferions à leur place... Et la force que ce pardon exige de notre part montre la violence du travail spirituel que nous devons tous faire, pour devenir pleinement humains.

jeudi 4 juillet 2013

Policiers et gendarmes, nos frères


Chère sœur, cher frère policier,
Chère sœur, cher frère gendarme,


Nous sommes frères et sœurs car nous sommes des êtres humains, et que la fraternité ne tient qu'à cela, que l'on s'aime ou se haïsse.
Policier ou gendarme, vous l'êtes par choix, et ce beau service que vous rendez à la France - à chacun d'entre nous -vous rend d'autant plus chers à nos yeux. Nous en savons l'importance, nous ne pouvons qu'en soupçonner l'exigence et les sacrifices imposés.

Vous connaissez - soit pour avoir été sur place, soit par les échanges avec des collègues, soit par ce qu'en disent, plus ou moins honnêtement, les médias - l'ampleur et la nature du mouvement populaire qui s'est levé contre le projet de loi puis loi Taubira. L'attitude du gouvernement dans cette affaire, la manière dont ont été conduits débats et votes au sénat comme à l'assemblée nationale ne sont pas dignes d'un gouvernement démocratique. Si certaines formes ont été préservées, le mépris pour les manifestations successives et massives, la destruction des 700000 pétitions pour la saisie du CESE, l'interdiction de porter certains t-shirts, le retranchement des membres du gouvernement derrière votre protection, pour ne citer que quelques faits, sont des signes évidents qu'un glissement s'est produit et que nos gouvernants trahissent nos idéaux républicains et démocratiques. Quel gouvernement légitime peut avoir peur de ses citoyens ?

Aux termes de la loi (article 122-4 du code pénal), un fonctionnaire a le devoir de désobéir à un ordre illégal ; aux yeux de l'histoire, ceux qui trahissent leur Nation finissent bien souvent jugés, quand est rétabli un ordre respectueux des valeurs humaines ; sous le regard de notre propre conscience, nous savons bien lorsque nous nous comportons loyalement ou bien lorsque nous contrevenons au vrai service que doit être notre devoir d'état. Car en revêtant l'uniforme, vous ne vous êtes pas séparés de l'humanité, vous vous êtes mis à son service, don que j'admire, comme - je le sais - l'admire l'immense majorité des "manifestants" (vous voyez desquels je parle). Vous êtes toujours des êtres humains, libres, capables de réflexion et de décision, pourvu que vous n'abdiquiez pas de vous-mêmes, de ce que vous êtes, de qui - peut-être - vous voulez être. Vous êtes des acteurs de l'Histoire, comme ceux qui décident, déclament, se lèvent, s'assoient, manifestent, rapportent, déforment, informent, méprisent, prennent parti, restent indifférents, s'énervent, appellent au calme, démissionnent, trahissent, se sacrifient ou sacrifient les autres, utilisent ou servent, dissimulent ou révèlent. Et l'Histoire - des hommes et des Nations - n'est pas évidente, et c'est pourquoi la liberté s'appelle aussi discernement.

Où se trouve la limite acceptable de vos actes ? Je ne le sais pas. La frontière est parfois floue et l'héroïsme ne se commande pas. Vous avez des familles, des camarades, des opinions, des aveuglements, des connaissances... En revanche, je sais - pour l'avoir vu et entendu - qu'il y a parmi vous ceux qui s'efforcent d'être simplement humains ; ceux qui se gardent de se joindre à nous car le devoir de réserve s'impose à eux, mais cela seul les retient ; ceux qui considèrent que nous nous trompons de combat ; ceux qui trahissent les valeurs humaines élémentaires en essayant de provoquer la violence par leur propre violence - et ceux-là se salissent encore plus qu'ils ne salissent la France, se blessent encore plus qu'ils ne blessent leurs innocentes victimes, indignes qu'ils sont de l'uniforme qu'ils portent et j'espère qu'ils le deviendront un jour prochain -; ceux qui emprisonnent sans motif des mères de famille, des mineurs, des passants - et ceux-là amoindrissent bien plus leur liberté qu'ils ne réduisent celle de leurs victimes car en réalité ils donnent à celles-ci une énergie nouvelle, celle de la juste colère, car la première liberté n'est pas "d'aller et de venir", mais de vouloir ce que l'on fait, et ce vouloir est servi par notre énergie.
De quel camp êtes-vous ? En votre for intérieur, d'abord, dans vos décisions, puis dans vos actes ?

Pour ma part, je suis un veilleur, un veilleur que vous avez un jour relevé avec gentillesse, puisque je ne résistais pas, quand d'autres durent être relevés fermement, et c'est sans doute votre devoir, ou violemment, et ce sera la honte de ceux qui s'en seront rendus coupables – et cette limite est floue, sauf à votre cœur, pour qui tout est clair si vous savez l'écouter. Comme veilleur, j'espère seulement vous amener à réfléchir, à vous ré-veiller, peut-être ?

Ne doutez pas de mon amour pour chacun d'entre vous, entraperçu, touché, avec qui j'ai pu discuter, même ceux qui se dégradent eux-mêmes dans leur comportement inhumain, car tous nous avons nos limites et je connais les miennes. Avec cet amour, ne doutez pas de mon respect ni de l'espoir que je place en vous, comme en toute personne, et plus particulièrement en ceux qui veulent servir l'état de droit et nous protègent. Et je sais que nous sommes nombreux à penser ainsi.

mercredi 3 juillet 2013

Repassez votre bac

Si vous voulez retenter votre chance, il est encore temps ! C'est par ici

Fraternité

La fraternité est une relation et, en ce sens, envisager la société/le politique sous cet angle, ce n'est pas envisager d'abord les personnes ou les individus, mais bien la relation entre les personnes et les individus, et quels effets auront les décisions politiques sur cette relation.

Une distinction souvent faite entre les notions de personne et d'individu voit dans le dernier concept l'homme indépendant, prométhéen, alors que le premier soulignerait la nature essentiellement interdépendante de tous les êtres humains. Pour autant, la fraternité n'est ni l'un ni l'autre, mais bel et bien une relation. Et il existe des fraternités de toute nature, penchant plutôt dans le sens du point de vue personnaliste ou du point de vue individualiste, selon la signification qui est donnée au mot fraternité. On peut concevoir des fraternités d'égaux qui ne font référence à aucune réalité extérieure à cette fraternité, une fraternité qui alors se construit sur les volontés communes, les libertés individuelles, rayant ainsi ce qui dans la vie ordinaire donne lieu à la fraternité~: la paternité et la maternité.L'autre fraternité que l'on peut envisager est celle qui accepte de découler de la paternité et de la maternité, qui se reconnaît comme un fruit de ces deux réalités préexistantes.
Il y a une autre ambivalence forte dans la notion de fraternité, qui peut être envisagée comme un fait ou comme une construction.

La fraternité – relation découlant de relations antérieures et de nature différente ou bien de volontés communes convergentes – instaure une communauté autant qu'elle peut être créée par elle. Dans le cadre familial, la construction de la relation fraternelle découle autant du gouvernement des parents (ou plus largement d'un cadre contraignant qui force à «~vivre ensemble~») que d'une acceptation des frères entre eux. La fraternité est objective, en ce sens qu'elle ne dépend pas de l'acceptation des frères pour exister~; dans la cellule familiale, que les relations soient «~fraternelles~» ou non n'affecte en rien le lien qui existe entre les frères et les sœurs, qui sont frères et sœurs de fait. Pour autant, la fraternité est un projet dont la construction ne sera jamais terminée puisqu'il doit être confirmé/ratifié par chaque nouveau citoyen. Ainsi, la fraternité peut se développer sous l'impulsion de deux facteurs essentiellement différents. L'importance de l'un ou de l'autre dépendra de la conscience de chacun de la nécessité de la construction d'une société fraternelle, du bien qu'elle représente, avec toutes les contraintes et les défis inhérents à un tel projet (accepter l'autre comme frère c'est lui reconnaître des droits inaliénables qui imposent non pas que ma liberté«~s'arrête là où commence celle de l'autre~», mais plutôt qu'elle soit au service du bien commun). Cette conscience de la réalité fraternelle reflète directement la maturité des personnes et les moteurs qui en favoriseront le développement dépendront essentiellement de celle-ci. Tout ce qui favorisera la maturité favorisera la fraternité, et vice-versa.

Pour une société peu mûre, adolescente, il est bien possible que le mode le plus favorable de croissance de la fraternité sera d'abord celui du modèle parental, dans le cadre duquel la fraternité est surtout vécue, expérimentée, avant de pouvoir être reconnue. Ce stade, tous, nous devons y passer et son lieu naturel d'éclosion est la famille, tant que celle-ci n'est pas déficiente. Mais dans notre société désaxée, où les parents – et plus largement les adultes – refusent ou sont incapables de tenir leur rôle d'éducateurs, peut-être faut-il envisager de créer des lieux pour expérimenter cette fraternité, tout en étant bien conscients que rien ne palliera jamais vraiment la défection des parents~? Les expériences de la première jeunesse s'impriment avec une force particulière dans le psychisme, et les premiers âges de la vie sont éminemment ceux sur lesquels les parents ont une influence toute particulière, déterminante pour l'ancrage du sentiment fraternel. Mais plus en profondeur, la fraternité est une réalité spirituelle, au sens le plus large du mot, ce qui laisse toujours l'espoir qu'une «~conversion~» puisse intervenir chez ceux qui ne voient pas en l'autre«~leur frère~».

Le point de vue démocratique, cependant, est celui du débat entre citoyens, et la fraternité doit, de ce point de vue, se construire sur la base d'un projet commun, accepté par tous. La prise de conscience d'une communauté de destin favoriserait nécessairement l'intégration de la fraternité. Entre citoyens, idéalement, la fraternité est choisie par tous et peut être – doit être – l'objet du débat politique. Ainsi, si le politique veut refonder la fraternité nationale en créant des lieux favorables à son développement comme suggéré ci-dessus, il devra le faire sur la place publique, dans le cadre du débat démocratique, sous peine de trahir dès l'origine la fin envisagée, perversion du démocratique par excellence.

La réalité sociale est multiple – en terme d'âge et, plus profondément, de maturité personnelle – si bien qu'il faut envisager le déploiement de politiques adaptées à toutes ces situations pour favoriser le renforcement de la fraternité, ce qui nécessite d'envisager les situations au cas par cas. Le réel, complexe, n'est pas le lieu de solutions simplistes.

L'effondrement de toute autorité, de toute verticalité – effondrement largement nourri par certaines philosophies plus ou moins libertaires qui exercent leur emprise jusque dans l’Éducation Nationale  – représentent les facteurs les plus nuisibles à la croissance première de la fraternité. Le fameux débat des «~démocrates~» et des «~républicains~» peut ainsi affecter jusqu'à la fraternité nationale et la démocratie. Pour prendre un exemple concret, l'approche démocrate qui considère l'individu au centre et à la source du système dès le plus jeune âge, au mépris de toute réalité extérieure, sape la verticalité propre à l'école, celle du savoir et de la culture, sur laquelle pourrait se développer, comme sur un tuteur – le mot est bien adapté (!) –, la fraternité des élèves. Comme cela a déjà été souligné, la fraternité est une relation, et le point de vue démocrate qui part de l'individu ne peut que rater la cible de la fraternité. En un certain sens, le point de vue «~démocrate~» est anti-démocratique, si la démocratie consiste à développer la fraternité entre les hommes. Le point de vue républicain, qui insiste sur ce qui fait le lien entre tous – la culture partagée, le savoir intégré – semble bien plus à-même de promouvoir la fraternité.

De façon générale, tout ce qui pousse à vivre coupé de l'autre dans ce qu'il peut avoir de dérangeant autant que d'enrichissant, entrave le développement de la fraternité, et nombre de «~nouvelles technologies~», de façon très concrète, isolent de l'autre, en permettant de se façonner une bulle dans laquelle ne pénètre que ce qui satisfait aux désirs plus ou moins pulsionnels – pour prendre un langage psychanalytique. Cette bulle nuit au dialogue, seul moyen de connaître l'autre. Un tel isolement appauvrit l'environnement des uns et des autres, nuisant ainsi à la maturité de tous. En dernière analyse, une personne mûre est simplement une personne ayant compris que la fraternité relie – de fait – tous les êtres humains entre eux. La maturité, c'est la capacité à aimer, en entendant bien que l'amour n'est pas tout d'abord sentiment. Car parler de fraternité n'est qu'un autre mot pour qualifier la relation d'amour qui devrait relier les personnes entre elles a priori et de manière inconditionnelle. Il s'agit d'un amour ancré dans une connaissance ou une recherche de la réalité objective, de la «~vérité~». Toute fuite du réel est immaturité, tout déni de l'autre, ainsi, est une attitude immature.

La fraternité est l'idéal démocratique par excellence, qui envisage l'autre comme un égal, original et irremplaçable,dont le statut est intangible et qu'aucune circonstance ne saurait faire déchoir de son état. L'autre ainsi envisagé ne saurait être négligé, ni ses opinions ou sa volonté circonvenus. Ainsi, la fraternité est essentiellement incompatible avec une attitude plus ou moins «~machiavélienne~», car le frère ne saurait en aucune circonstance être un moyen, quelle que soit la fin recherchée. A cet égard, les discours qui n'amènent pas un dialogue plus rationnel, qui ne permettent pas au débat politique de se fonder en raison mais s'emploient à influencer en jouant sur des registres plus émotionnels, brouillant la réflexion et la prise de conscience des enjeux, trahissent la fraternité et, en dernière analyse, la démocratie. Ainsi, le discours conatif, répandu dans toute la classe politique et assis sur les techniques des«~communiquants~» est une trahison de la fraternité. A cet égard, les responsables politiques, économiques et médiatiques ont une lourde responsabilité quant au développement de la fraternité.

Si le fraternel suppose de chercher et de vouloir le bien de l'autre, l'économie ne peut s'entendre qu'au service despersonnes et l'administration et tous les services de l’État doivent chercher à favoriser le bien commun. Le premier pas à accomplir pour construire ce bien commun, de toute évidence, est d'accepter de regarder le réel tel qu'il est, par-delà toute idée préconçue. Ce travail, aussi bien moral qu'intellectuel ou philosophique, suppose d'abord l'honnêteté intellectuelle et le dépassement de tous les paradigmes qui risquent de dissimuler la réalité. A titre d'exemple, le caractère idéologique des différentes analyses socio-économiques – et en tout premier lieu du modèle libéral et capitaliste actuellement dominant – devrait être dénoncé pour permettre d'analyser sereinement «~notre~» situation. Ce quivaut pour les sciences dures devrait encore plus valoir pour ce qui concerne le politique. Mais une telle dénonciation n'est possible que si les différents acteurs du débat entrent dans cette démarche, et le débat politique est largement conduit par les médias. Ainsi, ces derniers portent une responsabilité essentielle en tout ce qui touche au politique et plus particulièrement à la construction de la fraternité nationale, tant par ce qu'ils peuvent apporter – ou non– d'informations et d'éléments d'analyse objectifs, que dans ce qu'ils peuvent favoriser la maturité intellectuelle et morale de tous. A cet égard, force est de constater que la télévision – qui reste le média le plus profondément ancré dans les foyers – semble être une vaste conspiration contre la maturité et la démocratie, et ce faisant la fraternité nationale. La logique de part d'audience qui gouverne tout le système montre ses limites dans la pauvreté de produits tels que ceux de la «~télé-réalité~» ou des différentes émissions de variétés. Pour atteindre les objectifs en termes d'écoute, le levier le plus utilisé – car le plus efficace – est une programmation intellectuellement pauvre et demandant peu sinon aucun effort intellectuel de la part des spectateurs. En proposant ainsi des programmes tournés vers la stimulation des curiosités, des désirs pulsionnels, le travail intégratif est défavorisé et avec lui la possibilité de mûrir. Sous cet éclairage, une part importante des médias (télévision, internet, jeux vidéos, etc.) concourent à dégrader la fraternité et notre démocratie. Mais il n'y a pas de fatalité et il semble essentiel que ces réalités soient exposées et discutées.

Pour conclure, la fraternité, réalité complexe et riche de sens parfois contradictoires, se construit et se réalise dans une tension essentielle entre deux pôles. Le premier est dans l'origine même de la fraternité, qui se développe tout d'abord dans une relation asymétrique, verticale, qui est celle de l'éducation et qui doit disparaître au fur et à mesure que croît la maturité du sujet envisagé, fût-il une personne ou la société tout entière. L'autre pôle est le caractère essentiellement horizontal de la fraternité, qui est une relation libre, entre égaux. (Il faudrait, à cet égard, analyser l'articulation de la fraternité avec les deux autres termes de notre Devise nationale~: que sont la liberté et l'égalité~? Sont-elles premières par rapport à la fraternité, ou bien celle-ci permet-elle au contraire de préciser leurs sens respectifs~?)

A moins d'adhérer à une vision résolument individualiste de la réalité, il nous semble faux de dire que le politique est au service de l'homme. Le politique doit être au service de la fraternité, notion bien plus large et structurante de la communauté humaine, qui inclut évidemment le service de l'homme, mais ouvre des horizons bien plus vastes à l'action du politique et permet également de mieux prendre conscience de ses limites.

Veillons

La loi a été votée. Maintenant que tout semble perdu, commence le vrai combat. Ami, frère, sœur, nous ne céderons pas. Nous n'avons rien à céder. La vie n'appartient ni à toi, ni à moi. La vie
n'appartient à personne et la vérité non plus. Si nous abandonnons, l'une et l'autre ne cesseront pas, mais déserteront encore plus le cœur de l'Homme. Nous ne témoignons pas parce que nous voulons vaincre, mais parce que notre conscience - ce que nous sommes - nous oblige. Déserter serait nous trahir autant que manquer à ceux, nés ou à naître, qui grandiront dans le mensonge, souffriront par lui. Si nous sommes ici, ce n'est pas parce que nous le voulons, mais à cause de ce que nous sommes.

Maintenant que les espoirs s'amenuisent commence le temps de l'Espérance - car l'Espérance est au-delà de l'espoir -,de la fidélité - car nous devons être fidèles aux autres, au réel, à nous-mêmes -, de la détermination.
D'aucuns voudraient entrer dans le temps de l'apaisement... mais nous sommes en paix. Une paix chargée de colère, mais la colère n'est pas la haine, elle est l'indignation suscitée par la profanation, par l'intrusion des marchands dans le temple de la Vie. Car nous souhaitons que l'enfant soit accueilli comme un enfant dans ce monde, et non comme une gratification,comme un être singulier, et non comme une chose prescrite, et ces vérités que nous pensions évidentes à tous, il nous faut les rappeler, les révéler aux consciences endormies et indifférentes par le seul langage que le cœur comprenne et qui est le don, don de soi, de son temps, de sa vie. Le silence qui nourrit et fait germer la compréhension, qui révèle l'autre, est le seul moyen. Par l'écoute qui habite tout silence nous voulons rencontrer l'autre, le bruyant qui nous insulte, le pacifique qui s'interroge, le touriste qui passe, l'idéologue qui ne sait plus raisonner.

Nous ne lâcherons pas, jamais, car nous ne pouvons lâcher ce que nous ne tenons pas, et qui nous tient. Ce qu'ils ne peuvent comprendre aujourd'hui, il n'y a que notre silence qui pourra le leur révéler, notre écoute qui pourra le leur dire, notre amour qui pourra les amener à l'aimer. Soyons des témoins, et des veilleurs. L'aube arrive.

Trinité, eucharistie, conjugalité et amour

L'amour est le lieu de deux mouvements contradictoires : le désir de s'unir avec celui qu'on aime, de fusionner, et celui de rester soi-même et que lui reste lui-même... sinon, il n'y a plus d'amour. Désir de fusion sans confusion.

La Trinité réalise à la perfection l'amour - elle est la source de tout amour - dans l'unité de Dieu, unité des personnes du Père, du Fils et de l'Esprit, qui restent pourtant elles-mêmes.

Dans les amours humains, l'union sexuelle réalise une facette de ce mystère d'amour, dans l'union des corps et des cœurs, mais union imparfaite et transitoire. Lieu d'écoute, de complicité et de tout ce qu'il y a de bon et joyeux en nous. Lieu de fécondité.

L'eucharistie aussi est un lieu d'union des corps. Du corps du Christ au nôtre. Transitoire et réel. Lieu de fécondité et de croissance. Croissance de la vie de Dieu en nous, fécondité par ce que notre prière a de plus forte dans cette union intime et qui permet de parler au Seigneur comme à l'oreille, sur l'oreiller, pour lui adresser des demandes, obtenir toutes sortes de grâces pour les autres et pour nous-mêmes, fécondité spirituelle.

L'eucharistie est lieu de silence, silence qui permet la rencontre (le XXme siècle est une vaste conspiration contre le silence, Bernanos) et apprend à être et être avec. Communication silencieuse, comme lorsque les corps parlent et les voix se taisent. Il s'agit de se laisser transformer par une union qui ne prend pas les apparences belles et bonnes de l'union charnelle, mais qui est une union au plan de notre être, par-delà ce que nos sens nous disent, porte d'entrée de notre cœur, du plus profond de nous-mêmes. Silence qui nous pacifie et nous apprend l'écoute et la rencontre vraie du Christ et de tous nos frères et sœurs humains. Silence qu'il est toujours triste ou incongru de voir brisé par des discussions inopportunes, comme si les amants discutaient de l'impôt sur le revenu au beau milieu de leurs ébats... Il y a un temps pour tout et l'eucharistie est celui, par excellence, du cœur à cœur - du corps à corps - silencieux avec Dieu.

Comme dans l'acte conjugal, il y a un apprentissage de l'autre, il y en a un dans l'eucharistie, qui est un lieu de rencontre, d'harmonisation, de communion, d'union avec le Christ.
Le plaisir - ou l'extase ? - n'est généralement pas présent dans la communion comme il peut l'être dans l'union des corps, sinon comme une promesse, car l'union d'amour à Dieu et à toutes ses créatures nos sœurs vers laquelle nous nous dirigeons par-delà le rideau de la mort aura probablement une forme d'exultation qui fera paraître pâle la délicieuse bénédiction que Dieu a répandue sur l'acte conjugal.

Car l'acte conjugal est image de l'union de Dieu et de l'Église, de Dieu avec chacun de nous, et ce sommet - parmi d'autres - de l'amour des époux est un reflet, un éclat de la Lumière d'amour de Dieu.