lundi 8 juillet 2013

Les veilleurs et les forces de l'ordre


Des veilleurs ont été victimes d'actes violents ou illégaux de la part de représentants des forces de l'ordre. Comme veilleurs, nous devons essayer de comprendre ces événements pour résoudre le problème par le seul biais qui ait une quelconque chance d'aboutir : toucher les cœurs, les nôtres d'abord, ceux de nos auditeurs ensuite.
Nous revendiquons de vivre dans le réel et pas dans des chimères. Eh bien, le réel, pour nous, ce sont ces hommes et ces femmes, en uniforme, qui nous entourent et qui ont choisi de rendre à la France le service que nous connaissons. Il est douloureux que quelques uns le salissent. Nous, nous ne pouvons pas être de ceux qui voient l'arbre plus que la forêt, dans la même logique que les médias.

Si nous estimons que « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » (Nietzsche), ces violences vont-elles amenuiser ou accroître notre force de paix et d'accueil ? Dans l'action, face à l'injustice et à la brutalité, nous pouvons céder à la violence, et alors il faut, passer l'impulsion du moment, nous reprendre. Nous sommes tous faillibles et prendre conscience de nos limites est un chemin de progrès essentiel. Mais combien plus forts sommes-nous quand nous parvenons à opposer la douceur à la brutalité. Car pour nous, devenir « plus fort », c'est devenir plus doux. « Mourir », c'est devenir violent.
Et cette logique peut s'étendre à toute notre vie, car des violences, des injustices de tous ordres nous en subissons et nous en infligeons chez nous à la maison, au travail, avec nos amis et ceux que nous trouvons plus difficiles à aimer. La jalousie ou l'hostilité ne nous sont pas étrangères, pas plus qu'à aucun autre Homme.

La douceur et l'appel à la prise de conscience, seuls, peuvent toucher le cœur de celui qui est coupable de brutalité ou d'injustice. Si, comme veilleurs, nous voulons être des germes de paix, il n'y a pas d'autre moyen. Et les situations révoltantes, indignes de représentants des forces de l'ordre, que les veilleurs ont affrontées peuvent devenir l'occasion d'un retour sur nous-mêmes, sur le désir de revanche qui peut naitre en nous, et qui n'est que la logique des violents. "Un homme ça s'empêche" (Camus) et non pas "ça se lâche". Que ces occasions difficiles soient ainsi pour nous un lieu de croissance dans notre force de paix, notre douceur, notre détermination.

A présent, si nous cherchons à comprendre l'origine des violences dont se sont rendu coupables certains policiers envers des citoyens pacifistes, peut-être pouvons-nous prendre quelques instants pour considérer la réalité de leur vie, qui est pleine de violence au point parfois d'user les cœurs.
Car, par-delà le bel idéal que la majorité d'entre eux veulent ou voulaient suivre, ils peuvent atteindre des points de rupture, des limites comme tous nous en avons et dont ils s'approchent, par le service souvent ingrat qu'ils rendent à la Nation, beaucoup plus souvent que la majorité d'entre nous. Il ne s'agit pas ici d'excuser l'inexcusable. Ce qui est indigne, déshonorant doit être dénoncé. Mais si nous voulons vraiment sortir de cette spirale, il faut comprendre l'origine de cette violence pour être - à notre modeste mesure - des semeurs de paix, en usant des moyens qui ont une chance d'aboutir et qui ne sont certainement pas de réduire les forces de l'ordre aux quelques uns qui ont pu "craquer", voire à ceux qui se sont corrompus au fil de leur vie.
Réalisons que ceux-là se font plus de mal à eux-mêmes qu'à leurs victimes. Il n'y a pas de bonheur pour l'homme dans la volonté de nuire, dans la vengeance, le ressentiment ou la haine. Ceux qui ont été violents sont - spirituellement - les plus à plaindre. Et je crois que se trouve là une clef face à cette violence : voir qu'elle est le signe et la cause d'une souffrance et que c'est la pitié qui devrait emplir notre cœur et nos regards face "à eux", qui sont nos frères, qui cheminent tout comme nous, et ne sont peut-être pas si mauvais par rapport à ce qu'a pu être leur vie – et de cela, nous ne pouvons pas juger, n'ayant pas le secret des cœurs.
Quant à nous, il nous faut dénoncer l'injustice commise, et appeler le coupable à sortir de cette logique. Refusons que l'homme puisse accepter de tomber plus bas que la bête et témoignons de ce que chacun d'entre nous est capable du meilleur. Mais il faut du temps pour qu'un cœur change, et tant que ce changement n'aura pas eu lieu nous serons confrontés à la violence, violence qu'il nous faudra combattre et dénoncer fermement, par la douceur et la parole. Car dénoncer le dérapage sert la justice et peut aider celui qui dérape, si c'est fait de manière audible pour lui. Nous ne devons pas transformer notre dénonciation en vengeance subtile, mais bien en faire un appel au meilleur, adressé à ceux qui ont été brutaux, ce qui influencera notre manière de dénoncer l'inacceptable

Ce disant, je mesure la distance qui me sépare de ces quelques idées. Quand quelqu'un m'agresse, ce n'est pas d'abord la compassion qui monte en moi, bien au contraire. La paix que je prétends servir reste largement à conquérir en moi ! Comment en serait-il différemment en eux, bien plus exposés ? Mais un regard de paix et d'amour atteint toujours le cœur, et c'est le seul « Opinel » dont nous puissions nous munir, et qu'aucune loi ne peut utiliser contre nous.
Comme Philippe nous y invitait la semaine dernière, nous pouvons entrer dans une démarche de liberté en osant pardonner à ceux qui nous ont fait du mal. Leur pardonner parce qu'ils valent mieux que ça. Leur pardonner pour les appeler à se dépasser, là où ils en sont. Leur pardonner parce que nous vivons d'espérance, et qu'aucun homme n'est jamais perdu, ne doit jamais être enfermé dans ses actes. Leur pardonner parce que nous ne savons pas ce que nous ferions à leur place... Et la force que ce pardon exige de notre part montre la violence du travail spirituel que nous devons tous faire, pour devenir pleinement humains.

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