dimanche 1 juillet 2007

Liberté

On peut distinguer différents types de liberté.
Le premier – celui le plus couramment entendu – est défini de façon essentiellement égocentrique – dans le sens premier du terme : centré sur le moi : être libre c’est faire ce que l’on veut. A ce stade – et sans plus de considération anthropologique (le plus souvent) « ce que l’on veut » fait référence à ses désirs superficiels, à ses sentiments, bref, à tout ce qui fluctue.

Un deuxième type est une définition essentiellement relative à l’autre : être libre consiste en ma capacité à discerner et vouloir ou ne pas vouloir vivre selon les règles d’une morale qui prend l’autre en compte. Le paradigme en étant sans doute la règle kantienne : que l’autre ne soit jamais un moyen, mais toujours une fin. C’est une morale de l’interdit, du « ne pas ». C’est une liberté dans laquelle on s’impose une contrainte, on bride ses sentiments, ses instincts, lorsqu’ils peuvent nuire à l’autre. N’est alors pas libre celui qui ne peut se dominer : la liberté prend une dimension intérieure absente de la précédente définition.

Un troisième type est une définition qui prend l’amour comme point de départ. Dans cette perspective, l’être humain est vu comme fait pour l’amour et la liberté est à poser comme un choix entre égoïsme et amour, accaparement et don (voire sacrifice), altruisme, ouverture. C’est un travail sur soi qui va tendre à unifier les sentiments, l’intelligence, la volonté, le cœur. Cette liberté-là ouvre à l’autre en harmonie de plus en plus profonde avec soi-même. Ce n’est pas une liberté facile, car il s’agit d’un vrai travail qui va à l’encontre de nos instinct égoïstes et cette fois-ci de façon plus proactive que dans la deuxième définition : on ne se contente pas de ne pas nuire à l’autre, mais notre liberté est perçue comme s’accomplissant dans l’exercice de l’amour des autres, or l’amour est quelque chose d’actif et de prévoyant, qui ne se contente pas de ne pas nuire, mais s’efforce de faire le bien. C’est une liberté qui commence à bâtir l’homme s’unifiant car tendant à bâtir l’unité autour de soi dans le même mouvement : amour et liberté ont alors totalement partie liée.

Enfin, le quatrième point de vue que l’on pourrait proposer est la liberté du serviteur, celle de l’évangile. Il s’agit alors de prendre conscience que notre liberté est un don de Dieu à accueillir. Une rencontre à faire au plus intime de soi-même, découvrir en nous celui qui nous connaît mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes, nous aime plus que nous ne nous aimons. Le guide sûr vers l’accomplissement de notre être, puisqu’il l’a créé et qu’il en est la finalité, mais qui de toujours nous veut libres comme ses fils, s’offrant à nous comme le serviteur souffrant, définissant l’amour comme le service à genoux. C’est alors une liberté qui n’est plus qu’accueil, où il s’agit de lâcher prise pour apprendre à tout recevoir de et à tout donner à celui qui donne et reçoit tout. Il s’agit de se dépouiller même des idées précédentes de la liberté – littéralement de se libérer de la liberté naturelle, qu’elle soit égoïste, morale ou altruiste, pour la recevoir entièrement – pauvre à l’extrême – pauvre même de soi, propriétaire de rien – et recevoir celui qui est plus que tout et qui frappe inlassablement à la porte de notre cœur pour pouvoir se donner à nous, celui qui au plus profond de son être, dans le mystère trinitaire, n’est que don, pauvreté, dépouillement d’amour. « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ». Et dans cette liberté suprême, reçue, les trois autres formes se retrouvent, parfaitement unifiée, la volonté, l’intelligence, les inclinations, la conscience morale se trouvant toute mues par le même moteur : le cœur de chair reçu de Dieu, à la place de notre cœur de pierre. Ces trois autres formes sont alors reçues comme un don nouveau, surnaturel.

Dans la deuxième forme de liberté, la première est tempérée. Dans la troisième elle est contredite – sur le fond tout au moins, c’est-à-dire sur ce qui motive l’action, dans la quatrième toutes sont abandonnées, de toutes nous sommes dépouillés pour les retrouver toutes, unifiées, transfigurées, car reçues.

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