samedi 21 juillet 2007

L'avortement

De fait la réflexion philosophique, ou plutôt légale, moderne sur la question de la définition du début de la vie est bloquée pour des problèmes idéologiques : il faudrait regarder en face la violence de la réalité de l'avortement, violence faite aux mères comme aux enfants à naître et même aux équipes médicales qui travaillent dans les services d'orthogénie (l'analogie avec le mot eugénisme laisse rêveur), sur tous ces points la réalité du terrain est bien loin des discours idéologiques : elles est tissée de la souffrance des différents acteurs face à ce « geste ». D’ailleurs, dans les faits on assiste à des aberrations qui sont que pour les parents qui décident de garder leur enfant, le médecin le qualifie de bébé des le début du processus, mais si l’avortement est envisagé, il est qualifié de fœtus, ou d’embryon selon les cas. Humainement, l’avortement est un drame, mais c’est inaudible dans notre société actuelle et source de souffrance pour ceux et celles qui le vivent : les témoignages sont nombreux, mais inaudibles idéologiquement. La première chose à pouvoir entendre dans notre société malade, ce seraient les souffrances des femmes qui ont subi l’avortement…

La lecture du discours fait par S. Veil reflète une défense basée sur l’idée que l’avortement est mauvais en lui-même mais la décision de voter la loi de dépénalisation était basée sur une réalité qui était que les femmes qui voulaient avorter devaient avoir recourt à des non professionnels ce qui était dangereux. Simone Veil avait alors émis le vœu que les générations à venir pourrait trouver une méthode plus « satisfaisante » - je n’ai plus les mots exacts en tête – mais de fait, l’avortement était clairement conçu, du moins dans le discours, comme quelque chose à éviter… soit elle nous mentait, soit on a évolué philosophiquement sur ces questions sans que le débat ait été tenu sur la place publique, ce qui est assez gênant pour des questions aussi grave (dans une démocratie, soit dit en passant).

D’un point de vue biologique, il est absurde de définir l’humain après les neufs mois réglementaires. Si c’est le cas, force est de constater qu’on dépense des fortunes inutilement en essayant de préserver des fœtus nés avant terme et donc non humain selon la lettre de cette théorie, fortunes qui seraient alors bien mieux dépensées ailleurs que pour des amalgames de tissus pré-humains. En outre, que signifie le mot viable ? Laissez un enfant seul après sa naissance, vous verrez s’il est viable… Cette notion est absurde, elle repose sur l’illusion créée par le changement du mode de respiration, un point c’est tout. Il n’y a qu’à regarder les films d’échographies en cours d’avortement pour constater que « l’embryon » se débat vigoureusement : s’il n’est pas vivant et autonome dans le sens du désir de survie, cela y ressemble drôlement. Au plan biologique, le développement de la personne ne connaît qu’un seul saut qualitatif : celui de la fécondation. A partir de la, le développement se fait par différenciation des tissus et des cellules de façon continue et ce n’est que par une décision arbitraire que l’on décide de fixer à une certaine date la limite légale de l’avortement, la preuve est qu’en pratique on la recule sous l’effet de groupes de pression mais sans la moindre argumentation de fond. Par ailleurs, les choses ne sont pas toujours clairement dites : pour toute malformation l’avortement est autorise jusqu'à la veille de la naissance, le délais légal porté de 10 à 12 semaines par la loi Aubry concerne l’avortement décidé sans qu’il y ait de « motif médical » du coté de l’enfant. On peut d’ailleurs s’interroger sur le sens d’une médecine qui prétend soigner en tuant le patient ? De fait, l’avortement dit « thérapeutique » porte atteinte non à la maladie (comme c’est le but d’une thérapie) mais au malade : les mots sont détournés, cela évite de regarder la réalité en face.

En outre, notre société évoque de temps en temps le mirage d’un spectre horrible : l’eugénisme, nous éreintant sous les invocations pour ne pas tomber dans cette monstruosité. J’aimerais qu’on m’explique en quoi la décision de ne pas laisser naître un enfant sur critère médical n’est pas un fait eugénique ? J’attends les arguments avec impatience, assez curieux de voir à quelles pirouettes verbales il va falloir se livrer pour défendre le point de vue contraire… Mais toute l’histoire de l’avortement repose sur de telles esquives et appels à des grands sentiments, sans s’être jamais fondée ni sur la réalité vécue par les femmes et les services médicaux ni sur la moindre réflexion philosophique digne de ce nom. L’expression « droit de disposer de mon corps » cache la réalité que dans l’avortement, on ne dispose pas du corps de la femme mais de celui de l’enfant, c’est un fait matériel, génétique. La loi qualifie d’interruption volontaire de grossesse (IVG) l’avortement effectué par décision de la mère sans que cela repose sur le moindre critère médical. Interruption médicale de grossesse (IMG) l’avortement – possible a tout moment – réalisé en raison d’une malformation détectée chez l’enfant. Enfin, il existe l’interruption thérapeutique de grossesse, réalisée quand le développement de l’enfant met en danger la survie de la mère. Ce dernier cas apparaît moralement acceptable, soit dit-en passant, même s’il reste souvent dramatique pour la mère : la nature humaine a ses lois propres, quoiqu’en pensent les idéologues.

En pratique, la loi prévoit (yait) un entretien obligatoire pour présenter des solutions alternatives, afin que n’avortent pas des femmes qui y seraient contraintes pour des raisons financières. Dans les faits, tout est mis en place pour que cela ne soit pas possible et nombre de centres hospitaliers ne connaissent même pas ces dispositions et ne sont dotés d’aucune structure pour amener sur la table la moindre alternative à l’avortement. Idéologie quand tu nous tiens…

La machine idéologique s’est emballée, entraînant un cortège de souffrances inavouables et inaudibles mais d’autant plus profondes. Dans notre société qui se prétend humaniste, on jette au visage des femmes déprimées et blessées jusque dans leur chair par l’avortement qu’elles ne sont pas suffisamment libérées… j’imagine qu’elles ne sont pas suffisamment libérées de leur nature et de leur corps, et que cette libération consiste à ne pas écouter notre réalité charnelle profonde.
Site Internet intéressant pour une présentation alternative :

http://www.survivants.com

Laissons le mot de la fin au pape, c’est plutôt pas mal en général :

« Fréquemment, la femme est soumise à des pressions tellement fortes qu'elle se sent psychologiquement contrainte à consentir à l'avortement: sans aucun doute, dans ce cas, la responsabilité morale pèse particulièrement sur ceux qui l'ont forcée à avorter, directement ou indirectement. De même les médecins et le personnel de santé sont responsables, quand ils mettent au service de la mort les compétences acquises pour promouvoir la vie.

« Mais la responsabilité incombe aussi aux législateurs, qui ont promu et approuvé des lois en faveur de l'avortement et, dans la mesure où cela dépend d'eux, aux administrateurs des structures de soins utilisées pour effectuer les avortements. Une responsabilité globale tout aussi grave pèse sur ceux qui ont favorisé la diffusion d'une mentalité de permissivité sexuelle et de mépris de la maternité, comme sur ceux qui auraient dû engager — et qui ne l'ont pas fait — des politiques familiales et sociales efficaces pour soutenir les familles, spécialement les familles nombreuses ou celles qui ont des difficultés économiques et éducatives particulières. On ne peut enfin sous-estimer le réseau de complicités qui se développe, jusqu'à associer des institutions internationales, des fondations et des associations qui luttent systématiquement pour la légalisation et pour la diffusion de l'avortement dans le monde. Dans ce sens, l'avortement dépasse la responsabilité des individus et le dommage qui leur est causé, et il prend une dimension fortement sociale: c'est une blessure très grave portée à la société et à sa culture de la part de ceux qui devraient en être les constructeurs et les défenseurs.
« […] l'enjeu est si important que, du point de vue de l'obligation morale, la seule probabilité de se trouver en face d'une personne suffirait à justifier la plus nette interdiction de toute intervention conduisant à supprimer l'embryon humain. Précisément pour ce motif, au-delà des débats scientifiques et même des affirmations philosophiques à propos desquelles le Magistère ne s'est pas expressément engagé, l'Eglise a toujours enseigné, et enseigne encore, qu'au fruit de la génération humaine, depuis le premier moment de son existence, doit être garanti le respect inconditionnel qui est moralement dû à l'être humain dans sa totalité et dans son unité corporelle et spirituelle. »

Tire de « l’évangile de la vie ».

Je voudrais illustrer le dernier point, qui n’est autre que le principe de précaution appliqué à l’avortement. Voici une analogie possible : je n’ai moralement pas le droit de tirer avec une arme à feu sur une cabane en bois dont je ne peux garantir qu’elle est vide : risquant de tuer quelqu’un, si cela se produit, je serai coupable à tout le moins de négligence criminelle. Cela paraît simple, au fond ? Partant de là, sauf à pouvoir démontrer sans l’ombre d’un doute possible que l’embryon ou le fœtus présent dans l’utérus de la mère n’est pas humain, l’avortement est, dans le meilleur des cas, une négligence criminel. Dans le pire, positivement un crime.

En réalité, la loi Veil n'était en fait que le premier pas d'une manoeuvre politique et idéologique qui a parfaitement abouti, véritable arnaque philosophique et morale difficile à discuter dans l'ambiance de pensée unique de notre société revenue de tout qui ne trouve plus que son nombril comme guide éthique. Et comme le disait une connaissance de forum, « le nombril, c’est encore viser un peu trop haut »…

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