Merci à TopChrétien et aux participants pour cet intéressant débat dont j'encourage le visionnage. Le ton est globalement cordial et Alexis Masson très clair.
Il
appelle quelques remarques rapides, essentiellement sur les positions
de Thomas Durand (TD), mais également un point d'argumentation d'Alexis
Masson (AM).
1) Thomas Durant prétend que la science est
empirisme et scepticisme a priori. Pour l'empirisme, cela en fait
indéniablement parti. Pour le scepticisme, c'est beaucoup plus
discutable: il y a une confiance fondamentale dans l'intelligibilité du
réel à la base de toute démarche scientifique que l'on ne saurait
qualifier de sceptique a priori.
2) Thomas Durand commet à
plusieurs reprises le sophisme génétique, à savoir de confondre
l'origine d'une chose comme statuant sur son ontologie. Concernant
notamment la loi morale, à laquelle il trouve une origine dans
l'évolution, mais manquant par là la question soulevée par Alexis
Masson, à savoir le statut ontologique de ladite loi.
3) TD
maintient que "Toute connaissance qui n'est pas en partie empirique peut
être totalement dénuée de réalité", il faudra le signaler aux logiciens
et aux mathématiciens (entre autre).
4) "Sans définition, on ne
peut pas croire": d'un point de vue empirique, c'est absurde. Je peux
être amené à croire à l'existence d'extra-terrestre car on découvre des
traces de leur passage sans avoir une définition précise de ce qu'ils
sont. De façon générale, l'existence d'une cause peut être postulée par
les effets qu'elle produit, même si elle n'est pas parfaitement définie.
À cet égard, on peut remarquer que la question de l'existence de Dieu
est première, logiquement, sur celle de la souffrance. Si on peut
prouver l'existence de Dieu par ailleurs, sur des points antécédents,
les questions de la souffrance et du mal doivent être pensées dans ce
cadre et peuvent influer sur la compréhension qu'on a alors de Dieu,
mais pas l'inverse.
5) Il demande ensuite, si Dieu est
bienveillant, d'où vient la souffrance ? Outre ce qui précède, il faut
noter que le Christ s'associe à nous face au mal et à la souffrance, en
offrant rédemption et sens, d'une part, d'autre part en promettant la
justice. Le temps chrétien n'est pas enfermé dans notre seul présent et
ce qui ne nous est pas compréhensible dans sa totalité maintenant
prendra sens en Dieu. Dieu qui est notre allié contre le mal. La foi, ce
n'est pas croire que Dieu existe, comme le dit très justement AM, mais
croire qu'il est dans notre camp.
6) Aux quelques arguments en
faveur de l'existence de Dieu qu'énonce brièvement AM, TD répond tout
d'abord qu'on les a déjà entendus 100 fois. Observation sans intérêt: la
valeur d'un argument n'augmente ni ne diminue avec le nombre de fois
qu'il a été répété. La question est celle de leur valeur. Les
démonstration d'Euclide restent valables aujourd'hui...
7) TD
montre qu'il ne comprend pas le raisonnement sur le néant, le confondant
avec le vide. Mais le néant étant l'absence de toute chose, y compris
de l'espace et des lois qui s'exercent dessus, son objection sur les
fluctuations du vide quantique (confusion souvent commise par des athées
dans ce genre de débat) est absurde. Et le conduit d'ailleurs à une
phrase splendide d'inanité: "La physique ne ménage pas d'espace pour une
création". Ce qui montre la limite de la compréhension de la nature de
la recherche en physique qui ne peut aucunement parler de création -
concept métaphysique - et travaille forcément sur un univers "déjà là".
Et, de ce fait, cet argument du vide qui génère des particules est
excessivement tautologique, puisque le résultat a déjà été donné dans le
postulat des lois s'exerçant sur un espace tridimensionnel, ce qui ne
correspond en rien au néant. Bref, TD ne comprend même pas la question
d'AM.
8) Ensuite, TD moque WL Craig concernant l'argument de
l'origine de l'univers en insistant sur le fait qu'on n'a pas de
*preuve* que l'univers a eu un début et donc que cette prémisse de
l'argument est *fausse*. Encore une fois, TD ne voit que ce qu'il veut
voir. WLC fait un argument probabiliste, en arguant qu'il est plus
probable que l'univers a eu un début, selon ce que la science nous dit,
et avec une force relativement grande depuis que le théorème BGV a été
établi (pour Borde, Guth et Vilenkin, pas exactement des déistes
convaincus...). TD tourne en ridicule, encore une fois, un argument
qu'il ne comprend pas, infirmant une prémisse dont il méconnaît
manifestement le contexte en physique. Plus profondément encore, TD
semble imaginer qu'on pourrait avoir une *preuve* que l'univers a eu un
début si c'est bien le cas, manifestant une incompréhension encore plus
fondamentale de ce qui peut être établi en science. Il tirerait grand
profit à lire Popper et les autres philosophes des sciences postérieurs,
tels que Kuhn, Polanyi et autres. Une telle demande est impossible,
purement et simplement, par méthodologie scientifique.
9)
Incidemment, on peut noter que TD tourne facilement en dérision,
attitude très révélatrice dans le cadre d'un tel débat, des gens comme
WL Craig, Descartes ou même son propre interlocuteur, ce qui dénote soit
une arrogance moqueuse soit une ignorance crasse des travaux de ces
gens...
10) Quand il est poussé sur la question de l'origine, il
répond d'ailleurs à AM "Dans univers éternel: qu'est-ce qui vous
échappe?" montrant par là qu'il fait un acte de foi totalement infondé
scientifiquement en un univers éternel étant donné l'état actuel des
connaissances en cosmologie. Paradoxal, non?
11) On peut aussi
relever cette splendide phrase: "on n'a pas prouvé que le néant
[pouvait] existe[r]": ce qui ressemble fort à un oxymore et à la preuve
que TD ne comprend même pas la question posée.
12) S'enferrant
dans un empirisme sans espoir (cf. 15 ci-dessous), TD maintient des
choses telles que : "Pour tout ce qu'on connaît, tout ce qui marche
depuis 200 ans, il faut des preuves empiristes." ce que, encore une
fois, maths et logique, pour ne parler que d'eux, anéantissent
immédiatement.
13) Sur la question du miracle, pour le coup, la
position d'AM me paraît intenable d'un point de vue chrétien, sauf à
maintenir que Jésus marche sur les eaux, change l'eau en vin ou
ressuscite Lazare par des moyens naturels, mais alors j'attends avec
impatience l'explication... Je ne nie pas l'idée que Dieu puisse
utiliser des forces naturelles de façon improbables qui leur donnerait
un caractère miraculeux, mais cela n'empêche pas qu'il puisse en
d'autres occasions les enfreindre purement et simplement : c'est tout à
fait possible d'un point de vue logique, me semble-t-il. Ou alors il
faut inclure dans "nature" des éléments plutôt inhabituels...
L'objection de TD qui voit dans la réponse d'AM l'attitude d'un adepte
d'une fausse croyance à la recherche de confirmation me paraît sous cet
angle plutôt fondée.
14) Sur l'existence de Jésus, TD se montre
d'une incohérence manifeste. Il en doute en dépit du consensus des
spécialistes - contre l'argument d'autorité, donc - mais ne s'est pas
privé d'invoquer l'argument d'autorité concernant l'existence de Dieu et
le fait que les scientifiques sont majoritairement non croyants...
alors que cette question n'est pas celle dont ils sont spécialistes.
Dans un cas, il refuse l'autorité des experts, dans l'autre, il accepte
l'autorité de simples amateurs: si ce n'est pas un splendide biais de
confirmation de la part de TD, je ne sais pas ce que signifie cette
expression. Par ailleurs, l'existence de Jésus est bien attestée
historiquement, par des sources variées, y compris en dehors du Nouveau
Testament, sources qui comprennent des adversaires du christianisme ou
des (relativement) indifférents, comme Flavius Josèphe. Si ce genre de
données ne satisfont pas TD, il lui appartient d'expliquer à la
communauté des historiens quels critères ils devraient adopter pour
aborder l'antiquité... Mais qu'il défende une telle position quand son
propre travail sur youtube consiste largement à montrer l'inadéquation
de croyances mal fondées au regard de la science ne manque pas de
piquant: splendide cas d'arroseur arrosé!
15) Concernant la
position philosophique de TD, qui revendique un empirisme systématique
comme seule source de connaissance, cette attitude n'est pas sans
rappeler le positivisme logique d'un Ayer, positivisme qui est
philosophiquement mort depuis bien longtemps tant il est perclus de
contradictions, à commencer par la plus évidente: la position que la
vérité ne peut se trouver que par la logique ou l'enquête empirique, est
une position ni logique ni empirique et donc auto contradictoire. TD
serait bien avisé d'étudier un minimum de philosophie avant de
s'associer - pour ce que j'en comprends - à des courants de pensée aussi
faibles. Et révolus.
16) Enfin, sur ce qui pourrait le faire
changer d'avis, TD prend la position que bien des choses le pourraient,
et dresse une liste de demandes plus ou moins extravagantes et
indifférente, de toute évidence, à toute considération théologique ou
philosophique élémentaire. Exiger de Dieu qu'il aligne les étoiles pour
former son nom dans le ciel est une absurdité. Autant demander à voir de
ses yeux les galaxies s'éloigner pour croire au big bang car, vous
comprenez, ma bonne dame, leurs télescopes et leurs machines peuvent
mentir et vous manipuler... Plus sérieusement, les critères de
justification d'une théorie dépendent de l'objet d'étude et méritent une
réflexion spécifiques, pas une liste à la Prévert d'aberrations qui
n'est, au fond, qu'une manière détournée de dire "Je ne croirai pas".
Comme le dit TD lui-même, on peut refuser de voir les contradictions,
notamment en bâclant son épistémologie et sa métaphysique pour ne pas
avoir à affronter je ne sais quelle fantôme de l'imaginaire...
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