mardi 18 décembre 2018

Pourquoi Jésus écrit-il sur le sable ?

Savez-vous pourquoi, dans le passage de l'évangile de Jean dit de "la femme adultère", Jésus écrit sur le sable ? Pour le comprendre, il faut revenir à ce qui précède juste ce passage: en Jn 7, 2 & 37-43, on lit:

« La fête juive des Tentes était proche. [...] Au jour solennel où se terminait la fête, Jésus, debout, s'écria : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l'Écriture : De son cœur couleront des fleuves d'eau vive. » En disant cela, il parlait de l'Esprit Saint qu'allaient recevoir ceux qui croiraient en lui. En effet, il ne pouvait y avoir l'Esprit, puisque Jésus n'avait pas encore été glorifié.  Dans la foule, on avait entendu ses paroles, et les uns disaient : « C'est vraiment lui, le Prophète annoncé ! » D'autres disaient : « C'est lui le Christ ! » Mais d'autres encore demandaient : « Le Christ peut-il venir de Galilée ?  L'Écriture ne dit-elle pas que c'est de la descendance de David et de Bethléem, le village de David, que vient le Christ ? »  C'est ainsi que la foule se divisa à cause de lui. »

Cet épisode s'inscrit donc dans un temps bien précis de la vie liturgique juive : la fête des tentes (Souccot ou Soukkot). Elle était l'occasion de la cérémonie de la libation des eaux (nissoukh hamayim): «lors des sept jours du festival de Souccot, le peuple célébrait joyeusement que l'on ait apporté l'eau de la source de Gihon au Temple. On invoquait par celle-ci la bénédiction divine pour la pluie "en son temps", c'est-à-dire ni précoce ni tardive, en accord avec le Talmud, qui consigne que Soukkot est le temps de l'année au cours duquel Dieu juge le monde pour les précipitations annuelles. L'eau de la cérémonie était tirée du bassin de Siloam dans la Cité de David, et la joie accompagnant cette cérémonie était pratiquement palpable. C'est aussi la source du verset 12:3 d'Isaïe : "Vous puiserez de l'eau avec joie aux sources du salut". Ensuite, chaque nuit, des dizaines de milliers de spectateurs se réunissaient dans la cour extérieure du Temple pour voir la Sim'hat Bet HaShoëva (Réjouissance au Lieu de la Libation d'eau), et les plus pieux parmi l'assistance dansaient et chantaient des louanges à Dieu. Les danseurs portaient des torches allumées, et étaient accompagnés au son de harpes, lyres, cymbales et trompettes des Lévites. Selon le traité Soukka, "Celui qui n'a pas vu la réjouissance au lieu de la libation d'eau n'a jamais vu de réjouissances de sa vie". Tout au long de Soukkot, la cité de Jérusalem s'emplissait de familles juives qui venaient pour le pèlerinage et se retrouvaient pour se réjouir et étudier la Torah.  » (Wikipedia).

On voit ainsi la résonance particulière des paroles du Christ: "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l'Écriture : De son cœur couleront des fleuves d'eau vive.", prononcées dans un cadre où l'eau était au centre de l'attention et de la symbolique religieuse "Vous puiserez de l'eau avec joie aux sources du salut", qui ne pouvait que marquer le cœur de ses auditeurs comme l'affirmation de sa messianité.

C'est juste après qu'intervient le passage qui nous intéresse: Jn (8, 3-11):

« Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu'on avait surprise en situation d'adultère. Ils la mettent au milieu,
 et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère.
 Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? »
 Ils parlaient ainsi pour le mettre à l'épreuve, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus s'était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre.
 Comme on persistait à l'interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d'entre vous qui est sans péché, qu'il soit le premier à lui jeter une pierre. »
 Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre.
 Eux, après avoir entendu cela, s'en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu.
 Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t'a condamnée ? »
 Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. » »

Jésus accomplit un geste à première vue assez mystérieux: il écrit sur la terre. Et c'est après ce geste que les uns et les autres quittent la scène. Ce qui se passe ici se comprend bien à la lumière d'un passage de Jérémie:

Jr 17,13: Seigneur, espoir d'Israël, tous ceux qui t'abandonnent seront couverts de honte ; ils seront inscrits dans la terre, ceux qui se détournent de toi, car ils ont abandonné le Seigneur, la source d'eau vive.

Par ses gestes, Jésus fait une allusion à ces propos redoutables, écrivant dans la terre le nom de ceux qui rejettent la source d'eau vive : le messie de Dieu, Jésus lui-même, référence que ses interlocuteurs, scribes et pharisiens, connaissent parfaitement...
On voit ainsi que ce qui peut paraître anodin voire obscur, à première vue, est en réalité chargé de sens à la lumière du contexte dans lequel se déroule l'épisode, invitation à toujours plus creuser les Écritures pour mieux les comprendre et les laisser nous guider vers le Christ.

Ces éléments sont tirés de Understanding Jesus, Joe Amaral, Faith Words edition, 2011 mais cette interprétation remonte à Saint Augustin et a été notamment rappelée par B. Pitre dans cette vidéo.

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