samedi 29 septembre 2007

Péché originel

Quelques idées, qui ne sont, pour la plupart, pas de moi, mais que j'ai mises un peu en ordre...
Certains voient la faute d’Ève avant de mordre dans le fruit, dans sa mauvaise restitution, sa déformation des propos de Dieu à l'endroit des hommes. Dans le dialogue avec le serpent, celui-ci commence par mentir de façon éhonté :
"Vraiment! Dieu vous a dit: Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin "
Alors qu'au contraire, dans le récit Dieu dit :
"Tu pourras manger de tout arbre du jardin, mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais car, du jour où tu en mangeras, tu mourras"
et ce avant la création d’Ève... Dans cette phrase, ce qui vient en premier c'est : "tu pourras manger de tout" : ce qui est premier, c'est la générosité complète, débordante, de Dieu vis-à-vis de l'homme. L'interdiction divine, elle, a la logique de l'adulte qui interdit à l'enfant de mettre les doigts dans la prise... pour son propre bien : la conséquence de manger du fruit de l'arbre... c'est la mort, comme de mettre les doigts dans la prise. Dieu dit cela à l'homme parce qu'il a souci de lui.
Le serpent commence par un mensonge, ce à quoi Ève va répondre par une parole déformée:
"Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin, mais du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n'en mangerez pas et vous n'y toucherez pas afin de ne pas mourir"
Cette réponse contient une erreur : l'arbre qui est au centre, ce n'est pas l'arbre de la connaissance du bien et du mal, mais l'arbre de la vie, qui n'est pas interdit. Ensuite, Dieu n'a pas interdit de toucher l'arbre de la connaissance du bien et du mal - ce qui apparaît comme une interdiction arbitraire : il n'a interdit que la consommation du fruit, pour le bien de l'homme. Dans les paroles d’Ève, le commandement divin qui avait pour but de les protéger, elle et Adam, devient un tabou arbitraire : la parole divine est déformée et rendue méconnaissable, la parole de vie est devenue commandement sans fondement... à partir de ce petit écart entre la pensée divine et les paroles d’Ève, le coin peut s'enfoncer.
Si l'on voit ici le péché originel, il n'est alors pas fruit de l'orgueil, mais bien d'un manque de fidélité envers Dieu et de confiance envers lui, ce qui me paraît beaucoup plus riche, car cela situe le problème de la faute originelle non pas au niveau d'une simple vertu - même pas théologale ! - comme celle de l'humilité, finalement à une réalité que l'on peut envisager comme intérieure et personnelle, et la fait passer au plan de la relation à Dieu, de la confiance et de la fidélité en Lui... pour rêver un peu, notons que le temps de la foi, au plan humain, c'est-à-dire le temps du Salut : notre vie présente, est précisément celui de la fidélité et de la confiance, ces deux mots qui ont la même racine que le mot foi - fides en latin - et qui sont les "piliers" psychologiques de la vertu théologale de foi : il y aurait ainsi une cohérence anthropologique entre le temps actuel, qui est celui de la foi et où le Salut n'est pas achevé, et ce qui a nécessité le Salut : un péché contre la foi, ou la confiance et la fidélité. Cette "unité" se perd si l'on fait du P.O. une faute d'orgueil.
Par ailleurs, l'évangile de Luc insiste beaucoup sur ce point : Marie retenait les paroles et les gestes, retenait les éléments de son histoire sainte et les méditait dans son cœur : à ce titre, elle est vraiment la nouvelle Ève, celle qui n'a pas déformé les propos, qui est restée fidèle et confiante, même lorsqu'elle ne comprenait pas... on peut alors voir là la signature de l'Immaculée Conception de Marie : elle a été fidèle à Dieu précisément à hauteur de ce qui a fait la faute originelle.
Enfin, la chronologie des événements: Dieu communique l'interdiction non pas à Ève, mais à Adam... dans la logique du récit, celle-ci n'est pas là au moment où la chose se dit et l'on peut donc se demander qui a déformé les propos au moment du dialogue avec le serpent ? Adam l'aurait-il fait lorsqu'il a communiqué à Ève, ou bien est-ce celle-ci qui a mal compris ? On peut donc voir là un flou qui empêche de dire qui de Adam ou de Ève "a commencé". En tout état de cause, Adam étant présent au moment du dialogue avec le serpent, ne contredit pas les propos d’Ève : il est donc tout aussi coupable car, comme dit le proverbe: qui ne dit mot consent !